Recours contre un permis de construire : nouvelles décisions sur l’intérêt à agir

Publié le Modifié le 05/09/2017 Vu 1 801 fois 0
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De nouvelles décisions ont été rendues par la Haute Juridiction administrative sur la notion d’intérêt à agir dans le contentieux des autorisations d'urbanisme (CE, 27 juillet 2016, req. n°396840 CE, 27 juillet 2016, req. n°391219).

De nouvelles décisions ont été rendues par la Haute Juridiction administrative sur la notion d’intérêt

Recours contre un permis de construire : nouvelles décisions sur l’intérêt à agir

Aux termes de l'article L. 600-1-2 du Code de l'urbanisme, « une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ».

Depuis la jurisprudence du Conseil d’Etat Brodelle et Gino, les conditions de recours à l’encontre d’une autorisation d’urbanisme se sont considérablement endurcies (CE, 10 juin 2015, Brodelle et Gino, req. n°386121).

Par un arrêt SAS Sifer Promotion du 10 février 2016, le Conseil d‘Etat avait, tout en rappelant ces principes, en outre précisé que « les écritures et les documents produits par l'auteur du recours doivent faire apparaître clairement en quoi les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien sont susceptibles d'être directement affectées par le projet litigieux » (CE, 10 février 2016, SAS Sifer Promotion, req. n°387507).

Par quatre arrêts du 13 avril 2016, le Conseil d’Etat avait rappelé les principes des jurisprudences Brodelle et Gino, mais vient compléter la définition de l’intérêt à agir pour une catégorie particulière de requérants, le voisin immédiat : « eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction » (CE, 13 avril 2016, req. n°389798).

Deux nouveaux arrêts ont été rendus par le Conseil d‘Etat en la matière au cours de la saison estivale.  

Dans la première affaire (CE, 27 juillet 2016, req. n°396840), il s’agissait d’un arrêté de permis de construire rendu par le maire de Villebon-sur-Yvette pour la construction d‘un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et 81 logements sociaux, pour une surface de plancher de 9 077 mètres carrés et une hauteur de plus de 13 mètres.

Le président de la troisième chambre du Tribunal administratif de Versailles avait, sur le fondement de l'article R 222-1 du Code de justice administrative, rejeté la demande d’annulation du permis de construire comme manifestement irrecevable, au motif que les requérants, pourtant voisins immédiats du projet, avaient été invités par le tribunal à justifier de leur intérêt à agir contre cet arrêté, et n'en avaient finalement pas suffisamment justifié au regard des exigences de l'article L 600-1-2 du Code de l'urbanisme. 


Le Conseil d’Etat censure la décision, considérant qu’ « en jugeant que M. C...et les autres requérants ne justifiaient pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu'ils établissaient dans leur demande au tribunal avoir la qualité de propriétaires et pour la plupart d'occupants d'immeubles situés à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et faisaient valoir qu'ils subiraient nécessairement les conséquences de ce projet, implanté en limite de propriété, s'agissant de leur vue, ainsi que les troubles qui en résulteraient dans la jouissance paisible de leurs biens, en ayant d'ailleurs joint à leur requête certains des documents graphiques du dossier du permis de construire et une vue aérienne permettant d'apprécier l'importance de la construction projetée et sa proximité immédiate avec leurs biens, le président de la 3ème chambre du tribunal administratif de Versailles a inexactement qualifié les faits de l'espèce ».

Dans la seconde affaire (CE, 27 juillet 2016, req. n°391219), le maire de Marseille avait  accordé à la société Vinci un permis de construire 110 logements pour étudiants, d'une surface de plancher de 3 252 mètres carrés, un local d'activité, d'une surface de plancher de 680 mètres carrés, et 38 places de stationnement. Les requérants s’étaient vus de la même manière déclarés irrecevables en première instance, au motif qu’ils ne démontraient pas leur intérêt à agir.

Le Conseil d’Etat annule ici aussi la décision, considérant qu’  « en jugeant que M. B...ne justifiait pas d'un intérêt à agir contre le permis de construire attaqué, alors qu'il établissait dans sa demande au tribunal avoir la qualité d'occupant d'un immeuble situé à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et faisait valoir qu'il subirait nécessairement les conséquences de ce projet, situé en face de son bien, s'agissant de sa vue et de son cadre de vie, ainsi que les troubles qui en résulteraient dans la jouissance paisible de son bien, du fait des incidences de la construction envisagée sur les conditions de circulation et de stationnement dans sa rue, en ayant d'ailleurs joint à sa requête un plan cadastral, des photographies et le dossier joint à la demande de permis de construire, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Marseille a inexactement qualifié les faits de l'espèce ».

Ces deux nouvelles décisions ne sont pas particulièrement innovantes en la matière, et reprennent les principes précédemment fixés.

Mais elles ont le mérite de consolider la nouvelle jurisprudence administrative en matière d’intérêt à agir.

Le voisin immédiat (en l’espèce, en face ou en limite parcellaire) justifie d’une présomption d’intérêt à agir, et n’a qu’à démontrer qu’il subira « nécessairement les conséquences de ce projet », au regard de la vue, du cadre de vie, des incidences de la construction envisagée sur les conditions de circulation et de stationnement dans sa rue.

Reste que les deux projets en litige étaient particulièrement conséquents. Qu’en sera-t-il d’un requérant, voisin immédiat, qui voudra contester un permis de construire pour un plus modeste projet situé sur la parcelle voisine ? Nous attendons encore de nouvelles précisions du Conseil d’Etat sur ce point afin de sécuriser les procédures à l’encontre des autorisations d’urbanisme. 

N'hésitez pas à me contacter si vous avez des interrogations. 

Hélène LELEU, Avocat au Barreau de LYON

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