De manière classique, la responsabilité de la puissance publique peut se trouver engagée, même sans faute, sur le fondement du principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, lorsqu'une mesure légalement prise a pour effet d'entraîner, au détriment d'une personne physique ou morale, un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme une charge lui incombant normalement.
En l’espèce, un chirurgien avait été suspendu pendant 8 ans. Son traitement de base avait été maintenu pendant sa suspension. En revanche, il avait subi une perte des rémunérations qu'il tirait des gardes et astreintes et de l'activité libérale qu'il exerçait au sein de l'hôpital. Le Conseil d’Etat juge qu’un tel préjudice n'était pas de nature à engager la responsabilité sans faute de l'État.
Il n’y a donc pas de reconnaissance d'un préjudice anormal du fait de la perte de rémunération du praticien.
En revanche, le maintien de la mesure de suspension avait dans cette affaire été particulièrement conséquent, puisque d’une durée de huit ans, alors que l'intéressé n'avait pas fait l'objet d'une mesure de contrôle judiciaire lui interdisant d'exercer sa profession.
Or, du fait de l'arrêt de la pratique opératoire, le chirurgien avait subi une diminution difficilement remédiable de ses compétences chirurgicales, compromettant ainsi la possibilité pour lui de reprendre un exercice professionnel en qualité de chirurgien.
Le Conseil d’Etat considère qu’il s’agit d’un préjudice grave, revêtant un caractère spécial, et que cela ne peut être regardé, alors que l’intéressé a été relaxé des poursuites pénales qui avaient motivé la suspension et n'a pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire, comme une charge qui lui incombait normalement.
Cette jurisprudence n’aura toutefois pas un retentissement important dans les cas d’engagement de la responsabilité sans faute de l’administration malgré une décision individuelle régulière, puisqu’il s’agit d’un cas très particulier, suite à une perte de compétences chirurgicales consécutive à une longue suspension.
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Hélène LELEU, Avocat au Barreau de LYON
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