Incidence de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite «loi Pinel» sur l’équilibre financier des baux

Publié le 02/03/2017 Vu 3 806 fois 0
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La répartition des charges entre bailleurs et locataires dans un contrat de bail commercial est désormais encadrée. Le rééquilibrage souhaité par le législateur se faisant au détriment des bailleurs, toute augmentation de loyer voulu par ce dernier pour compenser les pertes financières en résultant doit être anticipée et négociée dès la signature du bail commercial.

La répartition des charges entre bailleurs et locataires dans un contrat de bail commercial est désormais en

Incidence de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite «loi Pinel» sur l’équilibre financier des baux

Spécificité du droit français, le statut des baux commerciaux, tel qu’institué par le décret du 30 septembre 1953, a pour particularité d’accorder au locataire une protection accrue en lui conférant un droit au renouvellement de son bail communément appelé droit au maintien dans les lieux.

En contrepartie de cette protection, les bailleurs, soucieux d’assurer une rentabilité pérenne de leurs engagements, ont instauré une pratique dite des baux « investisseurs », consistant à transférer à leur locataire l’ensemble des charges.

La volonté des parties faisant loi en la matière, ces baux comportent une liste, sinon exhaustive, au moins très complète des charges mises à la charge du locataire afin d’éviter toute contestation et remise en cause par le locataire devant les tribunaux.

Cette liste comprend généralement :

- Les charges relatives à l’entretien, la réparation, la mise en conformité,

- Les impôts, redevances et taxes

- Les frais de gestion, réception, gardiennage

- Les frais de publicité et campagne promotionnelle s’agissant des centres commerciaux

Ce transfert des charges au locataire permet ainsi au bailleur de percevoir un loyer net de toutes

charges et donc de s’assurer une rentabilité certaine, aussi bien dans son montant que dans sa durée,

ainsi qu’un maintien en bon état si ce n’est en parfait état des locaux donnés à bail.

2. Toutefois, la généralisation des baux « investisseurs » n’a pas été sans incidence économique pour les locataires commerçants, en particulier ceux ayant pour cible les centres commerciaux dont les coûts d’exploitation se traduisent souvent par des charges élevées, ou encore ceux tenant leurs locaux de petits bailleurs réticents à mettre en œuvre les bonnes pratiques et à se référer à la nomenclature élaborée par le CNCC (Conseil national des centres commerciaux) en annexes à la Charte « Relations Bailleurs-Locataires » pouvant servir de base à la négociation des charges locatives d’un bail.

Concrètement, les dépenses afférentes au local loué et aux parties communes ont fini par représenter un second loyer dépassant, dans certains cas, les charges de personnel.

Certes, la jurisprudence, sur le fondement de l’article R.145-8 du Code de commerce a cherché à corriger ce déséquilibre en considérant que le loyer, augmenté des charges, pouvait ne plus correspondre à la valeur locative des locaux loués.

Cependant, cette contestation n’avait sa place qu’à l’occasion du renouvellement du bail.

3. Tenant compte de cette problématique et des limites de la jurisprudence en la matière, le législateur a décidé de créer l’article L. 145-40-2 du Code de commerce, lequel dispose notamment :

« Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.

    … ».

Ce dispositif est en outre complété par un nouvel article L. 145-35 du Code de commerce, lequel précise les charges, les impôts, les taxes et redevances qui, de par leur nature, ne peuvent être imputés au locataire.

Ainsi, outre les catégories de charges, impôts, taxes et redevances et leur répartition, qui doivent désormais être précisées dans le contrat de bail, le bailleur ne peut plus également transférer au locataire les charges suivantes :

Les dépenses relatives aux grosses réparations de l’article 606 du Code civil, y compris, le cas échéant, les honoraires liés à leur réalisation,

Les dépenses liées aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre les locaux loués en conformité avec la règlementation, sous réserve de relever des grosses réparations de l’article 606 du Code civil,

Les honoraires de gestion relatifs à la perception du loyer et à l’immeuble,

Les impôts tels que la contribution économique territoriale, taxes et redevances auxquelles le bailleur  ou le propriétaire de l’immeuble est assujetti, étant précisé que la taxe foncière continue de pouvoir être mise à la charge du locataire bien que le redevable légal est le propriétaire, tout comme les impôts, taxes et redevances liés à l’usage des locaux ou de l’immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement.

Ces nouvelles dispositions sont d’ordre public et s’appliquent aux baux conclus et renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

4. Concrètement, ce dispositif, qui vise à accroître la protection des locataires en tentant d’alléger leur coût d’exploitation, ne devrait pas laisser indifférents les bailleurs et risque d’engendrer des bouleversements en matière de fixation et d’évaluation des loyers.

En effet, pour compenser l’absence de transfert de charges, les bailleurs risquent, à supposer que la situation économique le permette, d’augmenter les nouveaux loyers d’un montant égal à celui des charges de manière à conserver un revenu locatif identique.

C’est pourquoi, il est vivement recommandé à tout locataire de prévoir, dans le bail, une clause stipulant la fixation du loyer à la valeur locative de marché, étant précisé que cette valeur s’exprime hors charges locatives refacturées au locataire.

Inversement, pour le bailleur, l’impact d’une telle clause sur la pérennité de la rentabilité des locaux ne devra pas être négligé, particulièrement dans l’hypothèse où le loyer serait pour partie composé d’un rattrapage déguisé des charges, puisque tout locataire avisé ne manquera pas de s’en prévaloir à l’occasion du renouvellement du bail pour contester le montant du loyer renouvelé.

Laurence ALOUP

Avocat à la Cour

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Laurence ALOUP

Avocat depuis 1998, Maître Laurence ALOUP intervient exclusivement en droit immobilier et, en particulier, en droit de la copropriété, droit de la construction, droit des biens ainsi qu'en droit des baux commerciaux et d'habitation.

Titulaire d'un DESS Droit de la consrtuction et de l'urbanisme.

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