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"La justice c'est l'absolu."
Victor Hugo
Nul doute que lorsque cet axiome s'imposa au plus célèbre des Bisontins, l'image de l'impressionnante façade du Palais de justice de sa ville natale devait surgir des tréfonds de ses souvenirs.
C'est au sein même de ces murs que les juges de la cour d'appel de Besançon, d'un pragmatisme tout Franc-Comtois ont rappelé qu'une année faisait 365 jours, et non 360.
Nous avions déjà évoqué dans un précédent billet la fâcheuse tendance qu'ont les banquiers à raccourcir la durée d'une année à 360 jours pour présenter des taux trompeurs[1].
- La position innovante de la cour d’appel de Besançon au regard de la jurisprudence
- Un arrêt conforme aux principes dégagés par la commission des clauses abusives
Déjà, en 2005, la Commission des Clauses abusives considérait que l’année lombarde de 360 jours était abusive et encourait l’annulation.
« (…) Considérant qu’une clause prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ; qu’une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en résulter à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ; (…)»
En défense, les banques ont prétendu que cette recommandation était dépourvue de portée,puisqu’elle ne concernait que les comptes de dépôt. Mais début 2019, le tribunal de grande instance de METZ[2] a retenu que cet avis s’appliquait aux crédits immobiliers.
« Attendu qu’un premier argument peut être tiré d’une recommandation de la commission des clauses abusives selon laquelle doivent être «éliminées des conventions de compte de dépôt souscrites par des consommateurs ou non-professionnels les clauses ayant pour objet ou pour effet de permettre à l’établissement de crédit de calculer les intérêts sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière » (…) ; que cette recommandation conserve toute sa portée pour les prêts immobiliers consentis aux consommateurs, comme en l’espèce ; que c’est donc la présence de telles clauses, qui est sujette à sanction, par le seul fait de figurer dans la convention ; »
Les juges de Besançon sont encore plus clairs :
« Que si cette recommandation vise les contrats d'ouverture de comptes de dépôt, elle est nécessairement transposable aux calculs d'intérêts faisant intervenir un taux quotidien, tels les intérêts intercalaires des prêts immobiliers ; »
Suivant cette même veine au début de l’été 2019, le tribunal de grande instance de GUERET[3] condamna une banque sur ce fondement, reconnaissant que cette méthode de calcul créait un « surcoût clandestin » qui devait être sanctionné.
Là encore, les magistrats de la Cour d’Appel de Besançon reprennent à leur compte cette conception protectrice en retenant que :
« la clause elle-même (…) en privant l'emprunteur de la capacité de calculer le surcoût clandestin (…) induit cette référence à l'année lombarde, (et) créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;"
L’arrêt commenté de la cour d’appel de Besançon du 8 octobre 2019 s’inscrit donc dans une tendance de fond.
- Les démonstrations mathématiques sont indifférentes.
En l’espèce, les juges de la cour d’appel de Besançon indiquent que :
« (il) importe peu (...) que (la banque) tente de se prévaloir de l'absence de surcoût d'intérêts »
Les magistrats considèrent alors que la simple présence de la clause lombarde suffit à emporter la condamnation de la banque sans qu’il soit possible pour elle de tenter de justifier, par des calculs de plus en plus alambiqués que l’incidence de cette clause serait sans importance.
- Les effets de la nullité de la clause
- L'imprescriptibilité
Classiquement, en matière de droit bancaire, le débat porte sur la question de savoir quand l’emprunteur avait pu prendre connaissance de l’erreur[4].
Cette question détermine le point de départ de la prescription quinquennale.
Traditionnellement, les juridictions, considéraient que cette clause, bien visible dans un contrat était nécessairement décelable au jour de la signature, de sorte que, passé le délai de 5 ans, l’action des emprunteurs n’était plus recevable.
L’arrêt de Besançon est particulièrement remarquable dans la mesure où il ne se préoccupe pas de savoir si l’emprunteur avait pu, ou non déceler cette erreur. En effet, les juges considèrent que cette clause, abusive, est contraire à l’ordre public, et que cette atteinte grave à l’équilibre des conventions justifie que le délai d’action ne puisse pas courir à l’égard de l’emprunteur.
La motivation est sans appel :
"Mais attendu que l'action qui tend à faire constater le caractère abusif d'une clause contractuelle en application des dispositions de l'article L.132-1 du code de la consommation et à la voir en conséquence déclarer réputée non écrite, donc rétroactivement inexistante, ne s'analyse pas en une demande en nullité de ladite clause, de sorte que n'étant pas soumise à la prescription quinquennale, elle est imprescriptible ;"
Dès lors, il est possible, aux yeux des juges de Besançon, d’agir à tout moment, et ce, même passé le délai quinquennal.
- L'annulation des intérêts
La sanction prononcée dans cet arrêt est parfaitement dissuasive puisque les intérêts prévus dans le contrat sont remplacés par les intérêts au taux légal, bien plus bas[5].
- La portée de cette décision
Nous l’avons dit, la position de Besançon est innovante et audacieuse, reste à savoir si cette interprétation sera suivie par la Cour de Cassation qui, à notre connaissance, n’a jamais eu à se pencher sur la question de l’année lombarde sous l’angle des clauses abusives.
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[1] https://www.legavox.fr/blog/maitre-luc-pasquet-avocat/annee-lombarde-jours-erreur-presumee-25062.htm
[2] Tribunal de grande instance de Metz, 21 février 2019, RG n° 2017/471
[3] Tribunal de Grande Instance de Guéret, 25 juin 2019, RG N°17/00608