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Il fut un temps lointain, au nord de l’Italie où les banquiers, confortablement assis derrière leurs luxueux bureaux d’acajou, inscrivaient consciencieusement sur d’épais rouleaux de parchemin les sommes, prêts et gages qu’ils accordaient à leurs clients. En cette époque reculée, ceux qu’on appelait les « lombards » mirent au point une technique de simplification des calculs en arrondissant la durée d’une année à 360 jours et celle d’un mois à 30 jours.
Cette approximation, désormais appelée « année lombarde » perdure pourtant à l’heure du numérique, là où un tableur calcule en une fraction de seconde des millions d’équations qu’une armée de banquiers Milanais aurait bien du mal à réaliser en une vie entière.
Cette pratique est pourtant désormais interdite par les textes.
En effet l'article R 313-1 (Ancien) aujourd’hui codifié sous le numéro R314-3 du code de la consommation dispose :
« (…) c) L'écart entre les dates utilisées pour le calcul du TAEG, ainsi que pour celui du taux débiteur, est exprimé en années ou en fractions d'années. Une année compte 365 jours, ou, pour les années bissextiles, 366 jours, 52 semaines ou 12 mois normalisés. Un mois normalisé compte 30,416 66 jours (c'est-à-dire 365/12), que l'année soit bissextile ou non ;»
Malgré cette disposition pourtant claire, de nombreux prêts immobiliers comportent une clause de calculs des intérêts appliquant le principe de l’année lombarde.
La jurisprudence est venue sanctionner sévèrement cette pratique, et il convient de citer l’arrêt très explicite et remarquablement motivé de la Cour d’Appel de RIOM en date du 4 Avril 2018.
- La présence d’une clause 360/30 fait présumer l’erreur.
Dans leurs écritures en défense, les banques soutiennent souvent que 360/30 = 365/30,41666 (soit le mois normalisé).
La Cour d’Appel de RIOM vient ici préciser de manière très claire que ce n’est pas le cas et que la simple mention dans le contrat d’une clause lombarde suffit à établir une présomption irréfragable d’une erreur de calcul.
« (…)La banque soutient qu'il appartient à l'emprunteur de démontrer une erreur de calcul des intérêts conventionnels, car la stipulation d'intérêts calculés sur la base d'une année de 360 jours n'implique pas nécessairement que le calcul des intérêts soit effectivement entaché d'irrégularité. Néanmoins, l'emprunteur n'a aucune démonstration mathématique à produire dans cette hypothèse (…) »
Les juges de RIOM viennent alors confirmer un mouvement jurisprudentiel de fond[1] qui est de nature à faciliter l’établissement de la preuve par l’emprunteur.
- La sanction est la nullité de la stipulation d’intérêts
Nous avions déjà exposé dans un précédent billet[2] la controverse relative à la sanction applicable. En l’espèce, et il convient de s’en réjouir, la Cour d’Appel de RIOM a considéré que la banque devait restituer l’intégralité des intérêts trop perçus[3], sans qu’il y ait lieu de moduler la sanction.
- L’emprunteur n’a pas à prouver qu’il subit un préjudice.
En désespoir de cause, la banque indiquait aux juges que même s’il existait une erreur, celle-ci n’était que minime et que cela ne justifiait pas le prononcé de la nullité de la stipulation d’intérêts.
Dura lex, sed lex, les magistrats de la Cour d’Appel de RIOM ont considéré que quelque soit le préjudice subi par l’emprunteur, faible ou important, l’erreur de la banque devait être sanctionnée.
La motivation de l’arrêt est la suivante, en parfaite orthodoxie juridique.
« (…)Le prononcé de la nullité de la clause n'a pas à prendre en compte le préjudice subi par l'emprunteur car il ne s'agit pas d'une question de responsabilité contractuelle, mais de l'annulation d'une clause irrégulière : M. X n'a pas à rapporter la preuve d'un quelconque préjudice. C'est en effet la formation du contrat et non pas son exécution qui est en cause.(…) »
La jurisprudence la plus récente est tout à fait conforme à cette interprétation.[4]
- La prescription
La question de la prescription de l’action est toujours un préalable nécessaire avant l’introduction d’une procédure. Nous avions déjà exposé les règles applicables en la matière dans un article à ce sujet.[5]
En tout état de cause, il est intéressant de relever que l’action a été introduite plus de 5 ans après la signature du prêt, mais que les juges de RIOM ont considéré que l’emprunteur, profane, ne pouvait pas avoir connaissance de cette erreur et qu’ainsi, les délais de prescriptions n’ont pas pu courir.
La Cour d’Appel de VERSAILLES[6] et celle de DOUAI[7] avaient déjà adopté une position similaire.
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Maître Luc PASQUET se tient à votre disposition pour une étude gratuite de votre prêt qui permettra de déterminer si celui-ci est ou non entaché d’une erreur permettant d’exciper de la nullité de la stipulation contractuelle d’intérêts.
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[1] CA VERSAILLES, 02 avril 2015, 16ème chambre 13/08484
CA TOULOUSE 20/10/2015 n° RG 14/04878
CA PARIS, Pôle 5, ch. 6, 12 mai 2016, n° 15/01363
TGI MONTPELLIER 15/04/2016 n°14/07072
CA DOUAI 3e chambre, 7 Septembre 2017 – n° 16/03057
TGI NANTES 7 Septembre 2017, RG 16/07390, RG 15/03234, RG 15/04426
CA PARIS Pôle 4, chambre 8, 14 Septembre 2017 – n° 16/25687
[2]https://www.legavox.fr/blog/maitre-luc-pasquet-avocat/errone-comment-sanctionnee-banque-cour-24764.htm
[3] C’est-à-dire la différence entre les intérêts conventionnellement prévus à l’offre de prêt et les intérêts calculés au taux légal, souvent très faible.
[4] « (…) Il s'en déduit, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens soulevés par les parties au titre des frais à inclure dans le TEG, que la clause de stipulation d'intérêt du contrat en cause sera déclarée nulle, quel que soit le montant du préjudice, la banque ne pouvant prétendre qu'aux intérêts au taux légal à compter de la conclusion du contrat.(…) »
CA RENNES 12-12-2017, n° 15/06000
« (…) L’appelante n'a donc pas seulement perdu une chance de conclure un autre prêt et n'a pas à démontrer un préjudice spécifique dès lors que le TEG est erroné au-delà de la tolérance d'une décimale, c'est la stipulation conventionnelle d'intérêt laquelle doit être écrite qui est annulée. (…) »
CA BORDEAUX – 10 janvier 2018 – n° 15/03635
[5] https://www.legavox.fr/blog/maitre-luc-pasquet-avocat/errone-quel-delai-pour-agir-24687.htm
[6] CA VERSAILLES 16e ch., 2 avr. 2015, n° 13/08484.
[7] CA DOUAI 3e chambre, 7 Septembre 2017 – n° 16/03057