La loi établissant l’état d’urgence sanitaire, votée le 22 mars 2020 et publiée le 24 mars suivant, et les ordonnances prises en application de cette loi, ont des incidences sur les procédures d’expulsion des locataires de local à usage d’habitation.
1. SUR LES DELAIS : Ordonnances du 25 mars 2020 n° 2020-306 et du 15 avril 2020 n° 2020-427
Ces ordonnances s’appliquent à tous les délais expirant pendant la période juridiquement protégée, à savoir du 12 mars 2020 au 24 juin 2020.
Ainsi, sont touchés par cette ordonnance tous les commandements de quitter les lieux, visant un délai de deux mois, qui ont été délivrés à compter du 12 janvier 2020 et jusqu’au 25 avril 2020.
Attention :
- Si le terme était échu avant le 12 mars 2020 : le terme n’est pas reporté (ex : pour un commandement de quitter délivré le 10 janvier 2020, le délai pour quitter expirait le 10 mars 2020, de sorte que l’occupant devait avoir quitté les lieux à cette date) ;
- Si le terme est fixé au-delà du mois suivant la date de la cessation de l’état d’urgence sanitaire : le délai ne sera ni suspendu, ni prorogé (ex : pour un commandement de quitter délivré le 4 mai 2020, le délai pour quitter les lieux expirera le 4 juillet 2020, sauf prolongation de l'état d'urgence évidemment).
En application de l’article 4 de ces ordonnances, si le délai pour exécuter une obligation expire pendant la période juridiquement protégée, alors aucune sanction n’est encourue au terme initial.
En pratique, si le délai pour quitter les lieux expire pendant la période juridiquement protégée alors il n’est pas possible de requérir immédiatement le concours de la force publique (sous réserve de la trêve hivernale qui sera abordée ci-dessous).
L'ordonnance du 15 avril 2020 modifie ce qui avait été établi par l'ordonnance du 25 mars 2020.
Plusieurs situations sont à envisager :
1. L’acte a été délivré avant l’état d’urgence et le délai pour exécuter l’obligation expire pendant la période juridiquement protégée, alors le délai pour exécuter l’obligation est prorogé après ladite période pour une durée égale au temps écoulé entre le 12 mars 2020 et la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.
ex : pour un commandement de quitter délivré le 20 janvier 2020, le délai pour quitter les lieux expirait en principe le 20 mars 2020 (soit 9 jours après le 12 mars 2020), ainsi le délai pour quitter est prorogé jusqu’au 3 juillet 2020 (soit 9 jours après la fin de la période juridiquement protégée). Si à l'issue de ce délai, l'occupant n'a pas quitté les lieux, alors le bailleur peut obtenir le concours de la force publique pour procéder à son expulsion.
2. L’acte a été délivré pendant la période juridiquement protégée et le délai pour exécuter l’obligation expire pendant ladite période, alors le délai pour exécuter est prorogé à la fin de la période protégée pour une durée égale à celle écoulée entre la date où l’obligation est née et la date limite où l’obligation aurait dû être exécutée.
ex : pour un commandement de quitter délivré le 20 mars 2020, le délai pour exécuter l’obligation expirait en principe le 20 mai 2020, en application de cet article il est prorogé pour un délai de deux mois à compter de la sortie de l’état d’urgence à savoir jusqu’au 24 août 2020 (24 juin 2020 + 2 mois), de sorte que si les lieux n’étaient pas libérés le 24 août 2020, alors le bailleur pourrait obtenir le concours de la force publique
2. SUR LA TREVE HIVERNALE : Ordonnance du 25 mars 2020 n° 2020-331
L’article 1 prévoit que la trêve hivernale est prolongée jusqu’au 31 mai 2020.
Ainsi, il ne sera donc pas possible de requérir le concours de la force publique avant le 1er juin 2020.
Plusieurs cas sont à distinguer :
1. Le commandement de quitter est venu à expiration avant le début de la période juridiquement protégée (avant le 12 mars 2020), alors il sera possible de requérir le concours de la force publique dès le 1er juin 2020,
2. Le commandement de quitter viendra à expiration après la période juridiquement protégé (après le 25 juin 2020), alors il est possible de requérir le concours de la force publique à compter du lendemain du terme du commandement de quitter, de manière classique
ex : pour un commandement de quitter délivré le 29 avril 2020 à effet au 29 juin 2020, il est possible de requérir le concours de la force publique à compter du 30 juin 2020.
3. Le commandement de quitter vient à expiration pendant la période juridiquement protégée, alors le délai pour quitter est prorogé selon les modalités indiquées au-dessus et ce n'est qu'à l'issue qu'il sera possible d'obtenir le concours de la force publique.
3. SUR LES EFFETS DE L’ETAT D’URGENCE SANITAIRE SUR LES DELAIS ACCORDES PAR LES TRIBUNAUX, LA SUSPENSION DE LA CLAUSE RESOLUTOIRE ET L’EXPULSION
Dans le cas où le Tribunal a accordé au locataire des délais pour régler la dette et a suspendu les effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais, plusieurs cas sont à distinguer :
- Le locataire n’a pas respecté l’échéance échue avant la période juridiquement protégée et un commandement de payer lui a été délivré et est venu à expiration avant cette période, alors nous nous trouvons dans la situation 1 évoquée ci-dessus : le commandement est valable et le concours pourra être requis à compter du 1er juin 2020
- Le locataire n’a pas respecté l’échéance échue avant la période juridiquement protégée et un commandement de payer lui a été délivré mais vient à expiration pendant cette période, alors nous nous trouvons dans la situation 3, .
- Le locataire n’a pas respecté une échéance pendant la période juridiquement protégée, alors, conformément aux articles 4 des ordonnances n° 2020-306 et n°2020-427, il semble qu’il dispose d’un nouveau délai à l’issue de ladite période pour régler l’échéance manquée, et qu’à défaut la déchéance du terme interviendra et la clause résolutoire reprendra ses effets. (ex : le locataire devait régler la somme de 100 € en sus du loyer courant et à la même date, si le locataire n’a pas réglé l’échéance du mois d’avril, alors il dispose d’un délai jusqu’au 24 juillet 2020 pour régler cette somme de 100 € et à défaut la déchéance du terme intervient, la clause résolutoire reprend ses effets, et un commandement de quitter pourra lui être délivré, selon les règles classiques).
Il y a bien entendu toujours des cas particuliers qui nécessitent une étude spécifique.
Pour plus de renseignements, je vous invite à prendre directement contact avec mon cabinet.
Maitre Margaux BRIOLE - 07 69 60 88 75 - briole.avocat@gmail.com