Face au triste record historique de 61.000 défaillances d’entreprise enregistrées en 2013, la réforme engagée par l'Ordonnance du 12 mars 2014 s’inscrit dans une volonté d’accroître l’efficacité des procédures applicables aux entreprises en difficulté afin de faciliter la poursuite de l’activité et le maintien de l’emploi.
Compte tenu de l’ampleur de cette réforme du Droit des entreprises en difficulté, il sera ci-après abordé les principales innovations.
1. L’anticipation des risques
L’anticipation des difficultés, au cœur des réformes intervenues depuis 2005, apparaît comme l’une des préoccupations majeures du législateur.
Les mesures de prévention ont ainsi été rénovées par différents mécanismes afin d'inciter les chefs d’entreprise à y recourir.
1.1 Incitation du débiteur à recourir aux procédures de prévention
Les clauses contractuelles, pénalisant le débiteur lorsqu’il souhaite recourir à des mesures préventives, telles que le mandat ad hoc ou la procédure de conciliation, sont réputées non écrites. Cette disposition incitera le débiteur en difficulté à solliciter une procédure de prévention.
1.2 Extension de la mission du conciliateur
Le conciliateur, dont la mission principale est de favoriser la conclusion d’un accord entre le débiteur et ses créanciers principaux et habituels, pourra désormais préparer la cession de l’entreprise lorsque le débiteur en aura pris l’initiative, et que les créanciers auront donné leur avis sur celle-ci.
L’opération de cession se déroulera ensuite dans le cadre d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
1.3 Amélioration des délais de paiement pour le débiteur et ses garants
Le débiteur qui serait, au cours de la procédure de conciliation, mis en demeure ou poursuivi par l’un de ses créanciers peut demander au juge qui a ouvert la procédure de conciliation de lui accorder des délais de paiement, dans les conditions de droit commun (article 1244-1 du Code Civil).
Les garants du débiteur bénéficieront également des délais accordés.
2. Mutation des procédures collectives : un objectif de simplification et de rapidité
2.1 Simplification de la déclaration de créances
L’Ordonnance du 12 mars 2014 a apporté des innovations à la procédure de déclaration des créances pour tenter de juguler le contentieux généré par cette formalité obligatoire pour tout créancier prétendant au paiement de sa créance.
Désormais, que cela soit dans le cadre d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation, le débiteur qui informera son mandataire judiciaire de l'existence d'une créance sera présumé agir « pour le compte » du créancier.
Il n'est alors plus nécessaire que le créancier procède lui-même à la déclaration de sa propre créance. Il devra uniquement procéder à la ratification de la déclaration effectuée par le débiteur, dans le délai compris entre cette déclaration et le jour où le juge-commissaire statue sur l’admission des créances.
S'il s'agit d'un allègement considérable des obligations de déclaration pesant sur les créanciers, cela ne doit toutefois pas entacher leur vigilance.
Les créanciers devront en effet s'assurer de l'exactitude des montants déclarés par le débiteur et des mentions d'éventuelles garanties.
2.2 Instauration de deux nouvelles procédures
(i) Une procédure de sauvegarde accélérée
Une nouvelle forme de sauvegarde voit le jour, entre la sauvegarde classique et la sauvegarde financière accélérée, ayant pour finalité de négocier des solutions rapides avec les principaux créanciers de l’entreprise.
D’une durée de trois mois, la procédure de sauvegarde accélérée doit permettre à une entreprise d'élaborer rapidement un projet de plan devant assurer sa pérennité.
Cette procédure est ouverte au débiteur:
- Bénéficiant d’une procédure de conciliation en cours,
- Proposant un plan soutenu par les principaux créanciers,
- N’étant pas en état de cessation des paiements depuis 45 jours,
- remplissant l'un des trois seuils suivants : 20 salariés, 3 millions d'euros de chiffre d'affaires hors taxes et 1,5 million pour le total du bilan.
Cette procédure de sauvegarde accélérée consacre l’importance de la négociation avec les créanciers.
(ii) Une procédure de rétablissement professionnel
L’une des innovations majeures de cette réforme consiste dans l’instauration d’une procédure de rétablissement professionnel destinée aux entrepreneurs individuels, personnes physiques.
Inspirée des procédures de surendettement des particuliers, la procédure de rétablissement professionnel offre au débiteur une possibilité de rebondir rapidement en le faisant bénéficier d'un effacement des dettes, sans recourir à une liquidation judiciaire.
Cette procédure est ouverte au débiteur:
- Etant en état de cessation de paiements,
- N’ayant pas fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire ou d'un procès prud'homal en cours,
- N'ayant employé aucun salarié au cours des 6 derniers mois,
- Détenant un actif dont la valeur est inférieure à 5.000 €.
La clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraîne l’effacement des dettes du débiteur à l’égard des créanciers dont la créance est (i) née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure et (ii) portée à la connaissance du juge.
Conclusion :
Cette ambitieuse réforme renforce les mécanismes de protection tout en améliorant l’équilibre entre les intérêts du débiteur et des créanciers notamment par la création de nouveaux outils.
Néanmoins, ces outils s’ajoutent à un arsenal procédural complexe créant parfois un manque de lisibilité : à cet égard, il n’est pas certain que cette réforme ait atteint l’objectif de « simplification de la vie des entreprises » fixé par le législateur.
C’est donc au cas par cas, en fonction de la typologie des difficultés, que le chef d’entreprise, assisté de son conseil, doit choisir une procédure adaptée.