La Cour Européenne des Droits de l'Homme, par deux arrêts en date du 8 mars 2012, condamne la France pour violation de l'article 6§1 de la Convention EDH, motivée par l'impossibilité, pour deux automobilistes français, de contester le rejet de leurs requêtes en exonération de contraventions routières. (CEDH, 8 mars 2012, Cadène c/ France, n° 12039/08; CEDH, 8 mars 2012, Célice c/ France, n° 14166/09)
Cet arrêt fait écho à la QPC rendue par le Conseil Constitutionnel français le 29 septembre 2010, qui tout en déclarant conforme l'article 529-10 du Code de Procédure Pénale, pose une réserve d'importance aux termes de laquelle:
"Considérant que le dernier alinéa de l'article 529-10 du même code prévoit que l'officier du ministère public vérifie si les conditions de recevabilité de la requête en exonération ou de la réclamation sont remplies ; que le droit à un recours juridictionnel effectif impose que la décision du ministère public déclarant irrecevable la réclamation puisse être contestée devant la juridiction de proximité ; qu'il en va de même de la décision déclarant irrecevable une requête en exonération lorsque cette décision a pour effet de convertir la somme consignée en paiement de l'amende forfaitaire ; que, sous cette réserve, le pouvoir reconnu à l'officier du ministère public de déclarer irrecevable une requête en exonération ou une réclamation ne méconnaît pas l'article 16 de la Déclaration de 1789"
En l'espèce, les deux requérants avaient contesté leurs contraventions à l'aide du formulaire de requête en exonération et avaient tous deux joint un courrier motivant leurs contestations.
Monsieur l'Officier du Ministère Public a déclaré irrecevables les requêtes en exonération des requérants pour des motifs de défaut de motivation ou absence de contenu de contestation explicite de l'infraction, considérés comme erronés par la Cour EDH. En effet, la Cour EDH rappelle, ce que ne contestait pas en l'espèce le Gouvernement, que le pouvoir d'appréciation de l'Officier du Ministère Public se limite à l'examen de la recevabilité formelle de la contestation et qu'en conséquence ce dernier avait excédé ses pouvoirs en l'espèce.
Conséquence directe de ce refus, les consignations versées ont été encaissées, ce qui a eu pour effet d'éteindre l'action publique, en application de l'article 529 du Code de Procédure Pénale.
Les deux automobilistes ont donc saisi directement la Cour EDH de ce litige, cette dernière leur donnant raison et condamnant la France pour violation du principe de droit d'accès à un tribunal garanti par l'article 6§1.
La Cour EDH rappelle donc avec force que toute contestation formulée contre une amende forfaitaire, et déposée entre les mains de l'Officier du Ministère Public compétent, ne peut donner lieu qu'à trois cas de figure précis:
- soit l'OMP renonce à l’exercice des poursuites,
- soit il saisit la juridiction compétente,
- soit, lorsque la requête n’est pas motivée ou n’est pas accompagnée de l’avis, il avise l’intéressé de son irrecevabilité.
Cette position de la Cour EDH, ayant valeur supra légale, constitue sans aucun doute, un argument de poids supplémentaire pour tous les praticiens du droit pénal afin que les contestations d'amende forfaitaires formulées auprès des Officiers du Ministère Public puissent être transmises devant le Tribunal compétent.
Afin de compléter ces propos, j'invite mes lecteurs à se reporter aux anciens arrêts rendus par la Cour EDH sur le droit d'accès à un tribunal indépendant et impartial en matière de contestation d'amende forfaitaire (pour exemple: CEDH, Peltier c. France, no 32872/96, arrêt du 21 mai 2002, §§ 21-24, et décision sur la recevabilité du 29 juin 1999).