NOTIFICATION DE GAINS PAR EMAILS ET USURPATION DE NOMS D’AVOCATS

Publié le Modifié le 23/08/2012 Vu 3 050 fois 0
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Présentation d'une manœuvre frauduleuse sur Internet désormais relativement connue, prétexte à une présentation synthétique du délit d’escroquerie et de celui d'usurpation d'identité issu de la loi LOPPSI II.

Présentation d'une manœuvre frauduleuse sur Internet désormais relativement connue, prétexte à une prése

NOTIFICATION DE GAINS PAR EMAILS ET USURPATION DE NOMS D’AVOCATS

Un lundi matin, 9h30 : l’assistante me transfère l’appel d’une personne qui ne figure pas parmi les clients du cabinet.

«  Bonjour Maître !

Je viens de recevoir une notification de gain par Microsoft selon laquelle c’est vous qui devez me remettre mon gain de 250.000 €. Quelle est la marche à suivre pour avoir les fonds très rapidement ??».

On le sait que trop : si Internet a ouvert des possibilités extraordinaires en matière de communication et de d’expansion commerciale, il a également servi de support aux escrocs de tous genres pour perpétrer leurs « cyber-méfaits ».

Depuis un certain nombre d’années, un email type circule sur la toile et assure son destinataire de recevoir un gain important (250.000 € voire plus).

Afin de donner de la crédibilité à leur entreprise frauduleuse, leurs auteurs indiquent que le gain provient d’une grosse entreprise américaine (la plupart du temps Microsoft) et que le retrait se fera par le biais d’un avocat français.

Or, cet avocat, qui existe bel et bien, n’est évidemment en rien mêlé au stratagème.

Ainsi, nombre de confrères, dont moi-même donc, ont été victimes d’une usurpation d’identité (II) voyant ainsi vu leur nom associé à une tentative d’escroquerie (I).

 

I. La tentative d’escroquerie :

L’escroquerie est définie par l’article 313-1 du Code Pénal :

« L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge.

L'escroquerie est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 375000 euros d'amende. »

Le régime de la tentative est défini à l’article 313-3 du même Code :

« La tentative des infractions prévues par la présente section est punie des mêmes peines. »

L’escroquerie est donc la remise de la chose convoitée après avoir induit la victime en erreur.

L’article 313-1 envisage pour ce faire trois procédés différents :

- L’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité,

- L’abus d’une qualité vraie

- L’emploi de manœuvres frauduleuses,

Dans le cas du gain ainsi promis, il s’agit de manœuvres frauduleuses.

Même si elles ne sont pas définies par le Code Pénal, les manœuvres frauduleuses nécessitent un comportant actif de l’escroc qui est confirmé par des éléments matériels extérieurs destinés à lui donner force probante : mise en scène, intervention de tiers, production d’écrits.

En l’absence de ces éléments, le seul mensonge, même déterminant, n’est pas constitutif de l’infraction (Cour de Cassation, Chambre criminelle 1er juin 2005).

Pour notre cas, la victime ainsi appâtée devra suivre une procédure particulière qui l’amènera à communiquer la plupart du temps une copie de sa pièce d’identité et ses coordonnées bancaires (pour le soi-disant virement). Pour ce faire, elle pensera s’adresser à l’avocat via l’adresse email indiquée par l’escroc.

Elle devra aussi s’acquitter la plupart du temps de « frais administratifs et légaux non remboursables » dont l’existence est justifiée par des droits de timbre ou bancaires. Bien évidemment, une fois lesdits frais payés, la victime ne recevra aucune somme et aura l’angoisse de constater que ses coordonnées personnelles et financières ont été lancées « dans la nature ».

Pour résumer, la victime reçoit :

- Un email enthousiaste de notification de gains

- Des pseudos documents officiels, ainsi qu’un formulaire à remplir,

- Les cordonnées d’un avocat qu’il convient de contacter par email pour finaliser l’opération,

Le but est donc de faire naitre dans son esprit la croyance réelle du gain, au moyen d’éléments concrets et persuasifs : une entreprise multinationale et un professionnel du droit français.

L’escroquerie (et donc la tentative) est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 € d’amende.

Ces peines peuvent être portées à 7 ans d’emprisonnement et 750.000 € d’amende dans si l’escroquerie est commise :

a. Par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

b. Par une personne qui prend indûment la qualité d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ;

c. Par une personne qui fait appel au public en vue de l'émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d'entraide humanitaire ou sociale ;

d.° Au préjudice d'une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.

Enfin, les peines sont portées à dix ans d'emprisonnement et à 1.000.000 Euros d'amende lorsque l'escroquerie est commise en bande organisée (article 313-2 du Code Pénal), ce qui pourrait être le cas en l’espèce.

 

II. L’usurpation d’identité

Ainsi, des avocats apprennent fortuitement qu’ils doivent remettre un gain de loterie et cela ne prête pas vraiment à sourire puisque la profession érige le respect de la déontologie en valeur directrice.

Passée la surprise d’avoir au téléphone des personnes dupées, l’avocat en question s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé et que nombre de forums s’interrogent sur son implication dans l’ « arnaque »……….et certains de conclure à une connivence, si le praticien ne dément pas.

Même si Internet est un vaste océan, la cyber-réputation est un bien précieux et il convient de la préserver.

Heureusement pour mon cabinet, un « gagnant » a pris la peine de rechercher mes coordonnées réelles afin de vérifier l’information.

J’ai constaté ensuite que le premier résultat sur Google associait mon nom à cette entreprise frauduleuse, ce qui devait mener à une action pénale immédiate de ma part.

Se posait cependant le problème du fondement légal.

Le Code Pénal offre trois possibilités différentes à la victime en matière d’usurpation d’identité :

 

- L’article 434-23:

« Le fait de prendre le nom d'un tiers, dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer contre celui-ci des poursuites pénales, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

Nonobstant les dispositions des articles 132-2 à 132-5, les peines prononcées pour ce délit se cumulent, sans possibilité de confusion, avec celles qui auront été prononcées pour l'infraction à l'occasion de laquelle l'usurpation a été commise.

Est punie des peines prévues par le premier alinéa la fausse déclaration relative à l'état civil d'une personne, qui a déterminé ou aurait pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers. »

 

- L’article 433-19 :

« Est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende le fait, dans un acte public ou authentique ou dans un document administratif destiné à l'autorité publique et hors les cas où la réglementation en vigueur autorise à souscrire ces actes ou documents sous un état civil d'emprunt :

1° De prendre un nom ou un accessoire du nom autre que celui assigné par l'état civil ;

2° De changer, altérer ou modifier le nom ou l'accessoire du nom assigné par l'état civil. »


- L’article 226-4-1 issue de la loi LOPPSI 2 du 14 mars 2011 :

« Le fait d'usurper l'identité d'un tiers ou de faire usage d'une ou plusieurs données de toute nature permettant de l'identifier en vue de troubler sa tranquillité ou celle d'autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou à sa considération, est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu'elle est commise sur un réseau de communication au public en ligne. »

Nous n’évoquerons que la dernière.

L’article 226-4-1 a tout d’abord fait l’objet de doutes. Dernier arrivé sur l’échiquier juridique, il pouvait apparaitre inutile au regard des deux autres fondements possibles.

Cependant le législateur a estimé que certaines situations (notamment dans un contexte numérique) échappaient aux articles 433-19 et 434-23, faute de remplir les conditions légales.

En ce qui concerne la tentative d’escroquerie au gain, les éléments constitutifs sont réunis :

- Matériel : Il y a bien attribution sans droit de l’identité d’un tiers dans le but de se faire passer pour lui. Ainsi, répondant à la victime et l’incitant à finaliser rapidement la transaction, l’escroc ne fait pas que citer le nom de l’avocat : il se fait bel et bien passer pour lui. Le seul fait d’usurper l’identité d’un tiers suffit à établir la matérialité de l’infraction

- Intentionnel : Il y a combinaison d’un dol général (volonté de violer la loi pénale) et d’un dol spécial (sa définition est plus difficile mais tendrait à être défini comme l’intention d’atteindre un résultat prohibé par la loi pénale (Droit Pénal Général : 2009, n°474)

Par ailleurs, l’usurpation d’identité peut entrainer un conflit de qualifications, ce qui est le cas lorsqu’un fait est susceptible d’être incriminé sous 2 ou plusieurs fondements différents.

Dans ces conditions, il faut raisonner en termes de « valeur sociale protégée ».

- Si les qualifications concernent une seule et même valeur sociale, alors est retenue celle prévoyant la peine ou l’amende la plus lourde.

- Si les qualifications concernent deux valeurs sociales différentes, alors le cumul est possible et la détermination des peines sera réglée par les dispositions en matière de concours d’infractions.

En l’occurrence, l’usurpation d’identité incriminée par l’article 226-4-1 concerne la vie privée et sera donc cumulable avec la tentative d’escroquerie qui concerne l’atteinte aux biens.

Ce délit est punissable d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende s’il est commis par une personne physique (des peines alternatives et complémentaires sont possibles.

En ce qui concerne les personnes morales, l’amende maximum peut s’élever à 75.000 €

 

Conclusion :

Cet article a surtout été le prétexte pour effectuer un petit rappel sur le délit d’escroquerie et celui plus récent d’usurpation d’identité issue de la loi LOPPSI II.

S’agissant de la tentative d’escroquerie que j’ai exposée, beaucoup de lecteurs vont penser qu’il faut être bien naïf pour y croire.

On ne peut nier que :

- Les gains importants issus d’une loterie à laquelle l’on n’a pas volontairement participé sont une chimère,

- Les soi-disant adresses emails des avocats sont suspectes

- Les documents sont rédigés dans un français souvent approximatif et l’on s’aperçoit rapidement que l’opération est pilotée depuis un pays d’Afrique.

Pourtant, 5 personnes m’ont contacté. Si elles ont pris la peine de rechercher mes coordonnées véritables, elles étaient toutes plus ou moins convaincues qu’un quart de million d’euros leur était promis.

Pour ceux qui ne vérifient pas, les discussions sur les forums en ligne peuvent aller bon train et aucune distinction n’est faite entre les escrocs et l’avocat qui ignore tout de se ce qui se trame dans son dos.

Il était donc nécessaire de répondre personnellement à chaque personne, en conseillant de cesser immédiatement toute correspondance et en certifiant qu’aucun avocat sérieux ne pouvait être associé de ces manœuvres frauduleuses.

Je me tiens à votre disposition par email pour toute information complémentaire.

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Avocat inscrit au Barreau de Paris depuis 2006, j'interviens pour les particuliers et les professionnels, tant en conseil qu'en contentieux. A votre écoute, mon objectif est de vous proposer des solutions efficaces en toute transparence.

Je suis joignable ici : ofachin@fachin-avocat.fr
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