I. LES TEXTES LEGISLATIFS APPLICABLES
Les parents sont responsables et les garants de la protection du droit à l’image de leurs enfants. En choisissant de diffuser des photos d’eux, souvent à partir de la grossesse même et pendant leur enfance, ils prennent une décision pour laquelle les principaux intéressés ne sont en rien consultés. Bien qu’il soit évident qu’ils ne peuvent donner leur consentement, il n’en demeure pas moins qu’à la base, ils n’ont jamais demandé à être exposés sur la toile.
Or la législation française protège le droit à l’image des personnes et leur vie privée, quel que soit leur âge.
D’un point de vue civil, cette protection est assurée par l’article 9 du Code Civil :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé. »
L’application de ce texte donne lieu à l’allocation de dommages et intérêt en fonction de l’ampleur du préjudice qui sera démontré devant le juge saisi.
D’un point de vue pénal, les auteurs de divulgations non autorisées tomberont sous le coup de l’article L.226-1 du Code Pénal :
« Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. »
II. LES RISQUES DE L’EXPOSITION DES ENFANTS MINEURS SUR LA TOILE
A. Le risque supporté par l’auteur de la divulgation.
Il s’agit du ou des parents qui, ne pensant pas à mal, diffusent de manière assez large des photos de leurs enfants sur internet et plus précisément sur les réseaux sociaux.
La démarche est remplie de bonnes intentions : on fait partager à ses amis et contacts la vie quotidienne des enfants.
La première difficulté provient du fait que certains parents éprouvent le besoin irrépressible de montrer tout et n’importe quoi, même dans les situations les plus intimes. Certes, il est heureusement extrêmement rare de voir des parents publier des photos de leurs enfants dans le plus simple appareil mais l’on peut légitimement s’interroger sur l’utilité de montrer son jeune enfant à la sortie du bain avec une petite censure humoristique pour cacher l’essentiel. Il en va de même pour toutes les autres situations qui peuvent avoir un certain côté attendrissant mais qui ne regardent, en définitive, personne d’autre qu’un cercle familial très restreint.
Car il y a fort à parier que ces mêmes enfants devenus adultes voient d’un (très) mauvais œil avoir été exposés dans ses conditions à la vue de tous.
C’est dans ces exactes conditions qu’une autrichienne de 18 ans aurait assigné ses parents les accusant d’avoir rendue entièrement publique sa vie d’enfant ; non sans avoir demandé vainement de retirer les clichés (MAJ : cette histoire a été démentie par plusieurs médias par la suite).
Le cas ne s’est encore jamais posé en France mais il donne à réfléchir parce qu’une telle action est possible et que son issue dépendra du contenu des photos, de la récurrence de la diffusion et d’autres paramètres inhérents à chaque cas. En résumé, si l’enfant prouve son préjudice, il ne serait peu être pas totalement fou de penser que des parents puissent être condamnés.
Il faut aussi évoquer le cas des parents divorcés et la publication d’une photo par l’un des deux sans avis ni accord de l’autre. Une action est ici aussi envisageable.
Quelles précautions prendre ?
Les paramètres à prendre en compte sont multiples mais il est certain que les parents doivent se poser la question de l’opportunité de la publication des clichés :
Mes conseils :
- Strictement paramétrer ses comptes de réseaux sociaux pour s’assurer que les photos ne seront vues que par les personnes qu’on souhaite,
- Se poser la question de savoir si, objectivement, toute considération sentimentale de côté, la photo en question a vocation à être partagée avec des personnes autres que le cercle familial restreint,
- Même si cela n’est pas forcément aisé, se demander si la photo à publier sera de nature à porter préjudice à son enfant dans quelques années (et oui, ils ne resteront pas bébés indéfiniment)
Soyez clairvoyants et prudents, même si vous brulez d’envie de montrer à tout le monde que votre bout de chou est le plus beau ou vient de se mettre dans une situation qui prête à sourire.
B. Le risque supporté par l’enfant lui-même
La divulgation de photos d’enfants mineurs fait courir certains risques à l’enfant lui-même. C’est peut-être en prenant conscience que cela peut le toucher directement que la décision de diffuser va être reconsidérée.
Le « casier numérique » :
Avec l’internet 2.0, la notion de réputation numérique a littéralement explosé. La particularité des moyens de télécommunications actuels est que cette réputation peut être mise à mal très rapidement et surtout durablement.
Ainsi, la mise en ligne d’une photo qui ne met pas votre enfant à son avantage peut avoir des répercussions externes vis à vis de moqueries dont il pourrait souffrir (et notamment les adolescents).
D’autant que contrairement à ce que beaucoup d’utilisateurs croient, la publication d’une photo sur internet laisse une trace quasi indélébile.
Il faut se souvenir qu’avant l’avènement des réseaux sociaux et d’internet, les photos d’enfants étaient le plus souvent compilées dans des albums photos « physiques » que seuls ceux qui passaient le pas de la porte de la maison de famille pouvaient éventuellement consulter, sans en emporter une copie avec eux…
Les prédateurs sexuels :
Le discours pourrait être taxé d’alarmiste mais le risque ne doit pas être négligé.
La profusion de détails donnés involontairement par les parents peut faire le jeu de personnes très mal intentionnées.
Il suffit d’un compte Facebook insuffisamment protégé où figure la ville de résidence de la famille ainsi qu’une mention de l’école fréquentée par l’enfant (Exemple, une photo légendée : « Rentrée en classe de CM2 pour Bastien » avec un tag de son établissement) pour offrir sur un plateau des informations dangereuses.
Ainsi, en mars 2016 la gendarmerie publiait sur son compte Facebook le message suivant :
« Préservez vos enfants ! Si vous avez suivi Facebook, une chaîne de publication est à la mode en ce moment : "Si tu es fière de tes enfants, poste 3 photos et nomine 10 de tes amies pour faire pareil !". Bon, certes, vous pouvez être toutes fières ou fiers d'ailleurs d'être une maman ou un papa de magnifiques bambins, mais attention ! Nous vous rappelons que poster des photos de ses enfants sur Facebook n'est pas sans danger ! Il est important de protéger la vie privée des mineurs et leur image sur les réseaux sociaux. »
Les parents sont de plus en plus sensibilisés à ces problématiques mais nombreux sont ceux qui diffusent des photos en les pensant protégées des regards indiscrets.
En pareilles circonstances, il est donc préférable que la prudence l’emporte sur l’enthousiasme.
Je me tiens à votre disposition pour toute information complémentaire.
FACHIN Olivier
Avocat à la Cour
06 15 09 28 09