L’accord de performance collective : un outil juridique qui séduit les entreprises en période de crise, mais non sans risques pour les salariés.

Publié le 14/11/2020 Vu 3 156 fois 0
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Dispositif mis en place par la réforme du code du travail en 2017 (art. 3 de l’ordonnance n°2017-1385), applicable depuis le 1er janvier 2018, l’accord de performance collective (APC) suscite un engouement certain auprès des entreprises.

Dispositif mis en place par la réforme du code du travail en 2017 (art. 3 de l’ordonnance n°2017-1385), ap

L’accord de performance collective : un outil juridique qui séduit les entreprises en période de crise, mais non sans risques pour les salariés.

L'APC a le vent en poupe dans ce contexte particulier de crise sanitaire et de suppressions d’emplois envisagées ou prévisibles. 

Les entreprises le voient comme un outil de flexibilité, d’amélioration de la compétitivité et finalement une alternative acceptable à une solution plus radicale comme le plan de sauvegarde de l’emploi.

Concrètement, de tels accords collectifs, permettent à l’employeur de modifier la durée du travail, de baisser les salaires et de modifier l'organisation et les conditions de travail, sans nécessité de justifier de difficultés économiques, sans clause obligatoire, sans contrôle de l’administration. 

L’encadrement légal est des plus limité : le seul et unique article L 2254-2 du code du travail, précisant juste que l’accord doit s’appuyer les seules « nécessités liées au fonctionnement de l'entreprise », notion extrêmement large, susceptible de recouvrir une multitude de situations (difficultés économiques, réorganisation de l’entreprise, déménagement…).

Pour toutes ces raisons, les APC peuvent s’avérer très préjudiciables pour les salariés et donc sources de contentieux prud’homaux, s’ils ne sont pas négociés dans des conditions particulièrement équitables et avec un engagement claire et réciproque de l’employeur.

L’enjeu est important : les clauses de ces accords se substituent à celles des contrats de travail des salariés. Et si les salariés les refusent, leur licenciement est réputé justifié et ils ne bénéficient pas de l'accompagnement prévu en cas de licenciement collectif pour motif économique.

Or, négocié sous le couperet de menaces sur l’emploi, dans un contexte de crise économique, et parfois pour déguiser un PSE,  cette équité n’est malheureusement pas toujours respectée. 

Alors, dans quelles conditions peut être négocié et conclu un accord de performance collective ?

Ce type d’accord peut être négocié dans toutes les entreprises quel que soient leurs effectifs.

  • Dans les entreprises dans lesquelles est présent au moins un délégué syndical, la négociation en vue de la conclusion d’un accord de performance collective ne peut s’engager qu’avec ce délégué syndical (ou avec les délégués syndicaux).

Pour être valide, l’accord de performance collective doit être signé par des syndicats représentant plus de 50% des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections professionnelles ou, à défaut, par des syndicats représentant plus de 30% des suffrages et approuvé par referendum à la majorité des salariés concernés.

Le CSE pourra mandater un expert afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations en vue de la conclusion de ce type d’accord. Etant toutefois précisé que, les frais de cette expertise ne sont pris en charge par l’employeur qu’à hauteur de 80% (art. L 2315-80 du code du travail).

En pratique, les entreprises font face à la méfiance des syndicats, peu enclins à valider ce type d’accords qu’ils assimilent souvent à un moyen de contourner les accords de branche. Ils sont donc plus faciles à signer dans les petites entreprises.

  • En l’absence de tout délégué syndical ou d’un Conseil d’entreprise, ses modalités de négociation dépendent de l’effectif de l’entreprise :

- Entreprises de moins de 11 salariés.

Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l’effectif habituel est inférieur à 11 salariés, l’employeur peut proposer un projet d’accord aux salariés (art L2232-21). Tel que le texte est rédigé, l’employeur est le seul rédacteur de l’accord d’entreprise qu’il se propose de soumettre ensuite à la ratification du personnel.

La consultation du personnel doit être organisée à l’issue d’un délai minimum de 15 jours à compter de la communication du projet d’accord à chaque salarié.

Cette possibilité de négociation est étendue aux entreprises dont l’effectif habituel est compris entre 11 et 20 salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du CSE ( art L2232-23).

Dans les deux cas (entreprises de moins de 11 salariés et entreprises entre 11 et 20 salariés), lorsque le projet d’accord est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel, il est considéré comme un accord valide.

- Entreprises entre 11 et 49 salariés.

L’accord de performance collective peut être signé :

 - Soit par un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel, étant membre ou non de la délégation du personnel du CSE ;

  - Soit par un ou des membres titulaires de la délégation du personnel du CSE. (art L 2232-23-1)

Etant précisé que la validité de l’accord conclu avec un ou des membres de la délégation du personnel du CSE, mandaté ou non, est subordonnée à sa signature par des membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés en faveur des membres du CSE lors des dernières élections professionnelles.

Par ailleurs, la validité de l’accord avec un ou plusieurs salariés mandatés, s’ils ne sont pas membres de la délégation du personnel du CSE, est subordonnée à son approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

- Entreprises de 50 salariés et plus.

Dans les entreprises dont l’effectif habituel est au moins égal à 50 salariés, en l’absence de délégués syndicaux dans l’entreprise, les membres titulaires de la délégation du personnel du CSE peuvent signer un accord de performance collective s’ils sont expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales (art L2232-24).

La validité de l’accord est subordonnée à son approbation par les salariés à la majorité des suffrages exprimés, dans le respect des principes généraux du droit électoral.

Les accords de performance collective doivent faire l’objet d’un dépôt en ligne sur la plateforme mise en place par le ministère du travail. Toutefois, compte tenu des informations confidentielles qu’ils sont susceptibles de comporter, ils ne sont pas rendus publics.

Quelle est la durée de l’accord ?

L’accord de performance collective peut être à durée déterminée ou indéterminée. A défaut de précisions dans l’accord, cette durée est fixée à 5 ans.

L’accord cesse de produire ses effets lorsqu’il arrive à expiration.

Quel est le contenu de l’accord ?

La seule obligation légale est la présence d’un préambule, obligatoire afin de définir les objectifs et préciser certaines modalités (art L2254-2,II):

- Les modalités d'information des salariés sur son application et son suivi, pendant toute sa durée, voire l'examen de la situation des salariés à son terme

- Les conditions dans lesquelles les dirigeants salariés, les mandataires sociaux et les actionnaires fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux salariés

- Les modalités de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés.

 S’agissant des mesures prévues par l’accord, tout peut être prévu

- Modifier la durée du travail (augmentation de la durée de travail sans augmentation de salaire, suppression de RTT ou de congés…), 

- Baisser les salaires (diminution ou suppression de primes, baisse des majorations, augmentation de la part variable, ce qui en période de crise, aboutira de fait à baisser la rémunération des salariés…)

- Modifier l'organisation et les conditions de travail (mobilité géographique, changement de poste…), 

Cet aménagement des conditions de travail, en contrepartie d’un engagement de maintien de l’emploi et idéalement, jusqu’à « meilleure fortune ».

Dans quelles conditions l’accord s’applique-t-il aux salariés ?

Lorsqu’un accord de performance collective a été valablement conclu, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération, de durée du travail et de mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise.

Les salariés concernés ont toutefois la possibilité de refuser la modification de leur contrat de travail résultant de l’application de l’accord. 

Pour cela, la procédure suivante doit être observée :

L’employeur doit informer tous les salariés de l’existence et du contenu de l’accord, ainsi que du droit de chacun d’eux d’accepter ou de refuser l’application à son contrat de travail de cet accord. Cette information s’effectue par tout moyen conférant date certaine et précise (courriel avec accusé de réception ou de lecture, lettre recommandée avec demande d’avis de réception, lettre remise en main propre contre récépissé…) ;

À compter de cette date d’information, chaque salarié dispose d’un délai d’un mois pour faire connaître son refus par écrit à l’employeur.

En l’absence de refus notifié par écrit dans ce délai d’un mois, le salarié est réputé avoir accepté l’application de l’accord à son contrat de travail (mais le texte ne le dit pas expressément) .Pour ces salariés, les stipulations de l’accord se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles de leur contrat de travail.

Le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord, ce refus peut entraîner son licenciement.  

L’employeur dispose en effet d’un délai de deux mois à compter de la notification du refus du salarié pour engager une procédure de licenciement. Si, dans ce délai, l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse.

Ce licenciement est soumis à certaines modalités applicables en matière de licenciement : entretien préalable, notification du licenciement, possibilité de recourir au service d’un conseiller du salarié, préavis, indemnité de licenciement, certificat de travail, reçu pour solde de tout compte. 

La lettre de licenciement doit être motivée ; le motif du licenciement réside dans le refus du salarié de la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord collectif. Si l’ordonnance n’imposait aucune mesure spécifique d’accompagnement ou de reclassement, la loi de ratification précise que les accords de performance collective peuvent prévoir (facultatif) les modalités d’accompagnement des salariés.

Le Conseil constitutionnel a reconnu que les licenciements prononcés en cas de refus de se voir appliquer un accord APDE (système prévu par la loi Travail) doivent intervenir, sauf à méconnaître le droit à l’emploi, dans un délai raisonnable à compter de ce refus (Conseil Constit., 20-10-17, Décision n°2017-665 QPC).

Le salarié qui voudra contester son licenciement prononcé suite à son refus devra prouver que l’accord de performance collective était en fait un licenciement économique déguisé, utilisé par un employeur notamment en cas de fermeture d’un site. Les conséquences des refus d’APC seraient pour lui nettement couteuses qu’un PSE. 

La conjoncture fait que ces accords collectifs sont et seront certainement proposés à la négociation dans de nombreuses entreprises dans les mois à venir. Reste à espérer que les entreprises joueront le jeu de l’équité et de la loyauté. Pour cela, il reviendra à l’employeur d’être le plus transparent possible et de fournir l’ensemble des informations nécessaires a la bonne compréhension économique de l’entreprise. Dans l’idéal, les dirigeants devront s’engager à fournir des efforts proportionnés a ceux des salariés et des clauses de retour a meilleure fortune devraient permettre de sécuriser les droits des salariés.

 

 

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