Il n’est pas contestable que la crise du coronavirus est considérée comme un danger qui menace la vie de la nation.
Il n’est pas non plus critiquable que des mesures exceptionnelles soient prises lorsque les gouvernants estiment que pareil danger existe.
Il n’est pourtant pas normal, ce monde à l'arrêt depuis 5 mois, cette économie à l’agonie, ces familles détruites par l'isolement, ces rapports humains éclatés, cette phobie du risque zéro installée, la peur savamment distillée, cette surveillance généralisée et ces entraves inédites et acceptées, à nos libertés fondamentales.
Car des mesures liberticides sont prises dans un cadre parfaitement légal au nom de l’urgence sanitaire. Et ce mouvement a cela d’inédit qu’il est mondial et plus ou moins liberticide selon le pays où l’on évolue.
En France, en faisant voter, à une vitesse sidérante, la loi du 22 mars 2020 relative à l’épidémie, le Gouvernement a ainsi pu créer « l’état d’urgence sanitaire ».
Cette loi renvoie à une série d’ordonnances permettant au Gouvernement d’agir dans les domaines les plus variés de l’économie, et notamment l’organisation du travail au sein des secteurs sensibles.
Donc c’est un véritable régime d’exception qui a été crée alors même que la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence prévoit déjà que le Président de la République tire de l’article 16 de la Constitution, des pouvoirs exceptionnels.
Ce régime inédit, sorte de "gouvernance politico-médicale", a habilité notamment le premier ministre à prendre par décret, après consultation du ministre chargé de la santé, des mesures générales limitant la liberté d'aller et venir, la liberté d'entreprendre et la liberté de réunion et permettant de procéder aux réquisitions de tout bien et services nécessaires afin de lutter contre la catastrophe sanitaire.
Jamais en temps de paix les démocraties n’ont enduré pareilles entorses aux principes qui les fondent : les libertés publiques.
Sans remettre en question la vocation sécuritaire de la mesure ou même l’intérêt stratégique politique...on pourrait s’inquiéter de voir les acteurs politiques capables de construire un état d'exception devant chaque situation exceptionnelle à laquelle ils sont confrontés. Parce qu’ils deviennent ainsi les bâtisseurs de leur propre domaine de compétence, « juges et parties », ce qui pose déjà un problème de séparation des pouvoirs.
Et surtout, l’Histoire nous a tristement montré qu’il faut toujours observer avec méfiance un pouvoir qui s’arroge, pour lui-même, des droits exorbitants en proclamant la nécessité d’une urgence nationale ou d’une menace quelconque.
La liste des entraves est longue .... Des restrictions, des interdictions, des sanctions ont été prises au nom de la précaution sanitaire.
Et pour ne citer que quelques exemples marquants :
- La liberté d’aller et venir a été sérieusement entravée (couvre feux, attestations dérogatoires, fermetures des frontières)
- Le droit de mener une vie privée et familiale pourtant consacré par l’article 8 de la CEDH, ignoré. Combien de familles séparées, comme dans un autre temps, par les fermetures de frontières et les quatorzaines imposées ? Combien de mariages, de célébrations annulées ? Et ces enterrements et deuils en comité ultra restreints ou en « zoom »...
- La liberté de réunion a été restreinte, voire supprimée (manifestations, évènements sportifs)
- Le droit à l’instruction a été mis en suspend pour des dizaines de milliers de jeunes ; sans parler des inégalités engendrées, car les enfants n’ont pas tous accès au télé-enseignement et les enseignants n’ont pas tous reçu la formation nécessaire à ces nouvelles pédagogies.
- Les droits de la défense extraordinairement ignorés , avec, au mieux, le recours aux visioconférences, et une justice expéditive (notamment pour des étrangers en rétention) et au pire, les fameuses « procédures « sans audiences »…C’est à dire des procédures consistant à rendre des jugements sur dossier, à juge unique, sans plaidoirie des avocats et sans comparution des parties. Dit autrement, des procès… sans procès.
- La liberté de prescription des médecins (et conséquemment le droit aux soins) exceptionnellement règlementée. Par deux décrets des 25 et 26 mars 2020, le Premier Ministre a restreint les conditions de prescription et de délivrance de deux médicaments susceptibles de soigner les patients atteints du Covid-19, en l’absence de consensus scientifiques remettant en question la liberté même dont jouit normalement un médecin généraliste.
- La liberté de religion a été significativement affectée par la suspension des célébrations religieuses et par les restrictions liées aux enterrements.
- Le droit de travailler a été restreint et son exercice a été pour certains interdit. Il est aujourd’hui encore sérieusement impacté.
Et aujourd’hui encore, même si le 10 juillet 2020 a été votée la fin de « l’état d’urgence sanitaire », des restrictions importantes sont encore imposées.
Le port du masque grand public (jugé inutile, au pic de l’épidémie) est obligatoire depuis le 20 juillet dans tous les lieux clos recevant du public, en complément des gestes barrières, selon le décret signé trois jours plus tôt. Il était déjà obligatoire dans de nombreux établissements (salons de coiffure, restaurants, musées…). Ont donc été ajoutés les magasins et centres commerciaux, les administrations et les banques. Un autre décret, publié le 30 juillet, permet aux préfets de le rendre obligatoire dans des lieux publics ouverts. Une nouvelle mesure hautement anxiogène et banalement liberticide à ajouter à une liste déjà bien assez longue : l’obligation du port du masque en entreprise.
L’argument de l’urgence sanitaire a donc permis une litanie de restrictions et d’obligations, dont de nombreuses ont perduré, ou ont suivi la levée de l’état d’exception :
- interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes
- obligation de déclarer les rassemblements de plus de 10 personnes
- interdiction des rassemblements nocturnes
- fermeture des salles de réunion publiques (danse, jeux, expositions, salons…)
- obligation du port du masque dans les lieux clos
- obligation du port du masque en centre-ville et sur les marchés
- obligation du port du masque en entreprise
- obligation du port du masque dans les transports en commun
- obligation du port du masque pour les personnels des bars et restaurants
- obligation du port du masque lors des déplacements dans les bars et restaurants
- obligation du port du masque pour tout rassemblement de plus de 10 personnes
- interdiction de tables de plus de 10 personnes dans les restaurants
- fermeture des vestiaires collectifs
- limitation des écoles de musiques, conservatoires, fanfares, etc. à 15 personnes
- interdiction de danser lors des soirées organisées dans les salles des fêtes municipales
- limitation des crèches à 10 enfants
- prime de 55 euros pour tout médecin déclarant un malade du Covid
- obligation du respect des gestes barrières
- interdiction de transporter du matériel de sonorisation
- annulation de très nombreuses manifestations : marathons, foires, expositions, matches
- limitation de la liberté de prescription
- fermeture d’établissements publics
- quarantaines par réciprocité
- interdiction de visite aux patients hospitalisés
- absence de débat public sur des lois votées sans députés
Et tout cela sans que l’on n’ait la moindre idée de l’horizon auquel pourraient être suspendues ces exceptions temporaires à la liberté qui reste la règle, l’interdiction étant l’exception.
Par ailleurs, on peut aussi s’interroger sur la proportionnalité de ces mesures, base de la légalité d’un régime d’exception, au regard d’éléments factuels, tels que la létalité. Car historiquement le principe de précaution à lui seul, n’a jamais justifié un tel arsenal.
Et jusqu’où irons-nous ?
Le maire de Bordeaux, s’est exprimé récemment sur une éventuelle interdiction de fumer dans la rue, pour lutter contre l’épidémie de coronavirus.
Le traçage des clients des restaurants va-t-il se généraliser en France ?
La réalité dépasse déjà la fiction : drones, reconnaissance faciale, applications de tracage banalisant le recueil des données de santé, caméras thermiques...Des technologies intrusives ont été déployées au cours de la pandémie de Covid-19 dans le monde.
Ajouté à tout ce que qui n’est pas encore illégal mais qui n’est déjà plus “sanitairement correcte” : le droit de s'embrasser, de s’étreindre, de festoyer, de rire…. Cette « distanciation sociale » qui isole davantage et qui entretient cette incroyable peur et ce clivage désormais flagrant entre les gens.
Autant de stigmates d'une démocratie en très grande souffrance.
La vigilance est donc de mise car, disait Benjamin Franklin, « un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité, ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. »