Le Parlement espagnol a adopté ce mercredi 10 juin 2015, le texte autorisant les Juifs séfarades à demander la nationalité espagnole, cinq cents ans après l’expulsion des Juifs d’Espagne, dont une partie des descendants vivent aujourd’hui en Israël, aux Etats-Unis ou encore en France.
Cette adoption n’a pas été sans heurts, le projet de loi , pourtant approuvé le 7 février 2014 par le gouvernement de Mariano Rajoy , a d’abord été menacé par la gauche plurielle l’estimant «discriminatoire» parce qu'il représenterait une “offense” pour les «Maures, originaires de Sidi Ifni et les Sahraouis". Les opposants a ce projet estimaient que le "seul" but du projet serait " répondre aux exigences du lobby de la communauté juive sépharade».
Pourtant et n’en déplaise à ses détracteurs, la loi, proposée par le gouvernement du conservateur Mariano Rajoy, a été adoptée à l'unanimité jeudi et devrait entrer en vigueur en octobre et susciter au moins 90 000 candidatures de juifs séfarades dans le monde, selon une estimation officielle.
Pour cela, les autorités ont mis en place une série de critères et de documents qui seront étudiés au cas par cas. :
Un certificat de la communauté juive de la zone ou de la Fédération de Communautés juives d’Espagne, prouvant la condition de séfarade du demandeur
Un nom d’origine clairement sefardi (Toledano, Soriano, Cuenca…) : la « liste » des 5 000 patronymes séfarades concernés avait été précédemment publiée et notamment dans la presse israélienne : http://my.ynet.co.il/pic/news/nombres.pdf
Et la connaissance du ladino - l’ancienne langue des séfarades - et/ou de l’espagnol et de la culture hispanique, exigence qui pourra être satisfaite dans les trois années à venir.
Outre les éléments précités, et s’agissant des pièces à fournir, et sous réserve de communication du texte officiel, il sera exigé du demandeur, la production d’une copie intégrale de l’acte de naissance, un extrait du casier judiciaire, éventuellement l’acte de mariage, tout autre document estimé par l’intéressé.
Si le conjoint est espagnol, il faudra produire une copie intégrale de son acte de naissance.
Ces documents devrons être traduits en espagnol et légalisés ou apostillés.
En outre, il était question :
D’un test de langue et de culture espagnole à l’Institut Cervantès, hormis pour les requérants provenant de pays au sein desquels l’espagnol est la langue officielle.
D’une taxe à acquitter devant les autorités espagnoles
Et d’un rendez-vous devant un notaire
A l’heure actuelle, il est trop tôt pour savoir si ces exigences ont été maintenues par le parlement.
Enfin, le demandeur disposera d’un délai de trois ans pour déposer sa demande à compter de la publication officielle de la loi.
Il est finalement important de rappeler que l’octroi de la nationalité espagnole aux juifs séfarades n’est plus exclusif d’une autre nationalité.
En effet, l'Espagne acceptait déjà d'offrir la nationalité aux juifs dont l'origine séfarade a été prouvée, cette communauté descendant en effet des juifs expulsés en 1492, lorsque les Rois catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon, ordonnèrent l'expulsion de tous ceux qui refuseraient de se convertir au catholicisme. Mais les candidats devaient en contrepartie abandonner leur nationalité actuelle. Ce qui était problématique pour beaucoup.
Cette clause disparaissait déjà du projet de loi approuvé le 7 février 2014 par le gouvernement de Mariano Rajoy.
Ainsi, toute personne concernée pourra conserver sa nationalité d’origine, alors que l’Espagne prohibe pourtant la bi nationalité.
Autrement dit, le projet de loi adopté prévoit la modification des articles 21 et 23 du Code Civil espagnol relatifs à l’acquisition de la nationalité espagnole. Le fait d’être séfarade devient alors une « circonstance exceptionnelle de lien avec l’Espagne » permettant la naturalisation.
D’ailleurs, parmi les candidats, beaucoup ne comptent pas s’installer en Espagne.
Pour autant, les médias espagnols soulignent aussi que bien d’autres, en particulier au Venezuela et en Turquie, suivent surtout la procédure pour obtenir un passeport «Schengen».
Pour les candidats d’origine séfarades mais dont les ancêtres se sont convertis, « ce sera sans aucun doute plus difficile de démontrer leurs origines », estime Jorge Rozenblum, directeur de Radio Sefarad.
« Nous estimons que nous recevrons 90 000 demandes, notamment d’Israël, de Grèce, du Venezuela, de Turquie et des États-Unis, mais seulement une minorité viendra vivre en Espagne, estime Gabriel Elorriaga, député du Parti Populaire, qui a beaucoup œuvré pour cette reconnaissance. Cette loi sera surtout symbolique. »
Finalement, après cinq siècles de silence, l’Espagne retrouve enfin ses racines et revient sur un passage officiellement oublié de son roman national.