Conséquemment, l’ophtalmologiste est devenu un véritable chef d’entreprise et le centre d’ophtalmologie devient rapidement une petite PME avec au minimum 2 à 3 salariés non médicaux et un matériel couteux, de plus en plus sophistiqué. Dès lors, le praticien peut difficilement échapper à la gestion de ces “ressources humaines”. Et l’image du médecin travaillant seul, au sein d’un cabinet isolé, n’a plus vraiment cours.
Parallèlement, le centre d’ophtalmologie, petite entreprise, qui génère des charges importantes, doit aussi faire face aux absences du praticien ophtalmologistes, imputables a des formations, congés, congrès, réunions ou maladies.
Alors bien sûr, afin d’assurer la continuité des soins en cas d’indisponibilité temporaire, l’ophtalmologiste peut toujours compter sur le remplacement par un confrère. Ce procédé est classique mais néanmoins limité car les remplacements sont en principe de courte durée ;
Les contrats réguliers étant soumis à autorisation et acceptés exclusivement dans des circonstances particulières.
La collaboration libérale peut aussi présenter comme une solution potentielle. Le collaborateur libéral exerce en toute indépendance, sans lien de subordination. Il est responsable de ses actes professionnels et relève du statut fiscal et social du professionnel libéral. Ce n'est ni un remplaçant, ni un associé. Son exercice, auprès d'un autre professionnel, s'effectue dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale.
Mais celle-ci présente certains inconvénients. Pour le médecin collaborateur, celui-ci n’a pas le statut d’associé et n’a ainsi aucun droit de regard sur les décisions de fonctionnement du cabinet : il ne peut choisir sa secrétaire, le matériel du cabinet ou encore son aménagement et sa décoration. Son statut reste précaire ou provisoire : en effet, le titulaire peut mettre fin au contrat et le remercier à sa guise. De plus, le collaborateur libéral relève du statut social et fiscal du professionnel libéral qui exerce en qualité de professionnel indépendant.
Pour l’ophtalmologiste titulaire, la collaboration libérale peut aussi présenter des inconvénients : il peut s’agir d’un investissement important avec un risque de séparation et de concurrence si le collaborateur se réinstalle à proximité. Une mauvaise entente ou une absence de projet à long terme sur une association ou encore une succession, sont des facteurs à prendre en considération. Les contrats entre ophtalmologistes, alors qu’il s’agissait dans la très grande majorité des cas d’associations, représentent une cause importante de litiges sur lesquels l’Ordre a à se prononcer.
C’est au vu de tous ces éléments cumulés à l’évolution des valeurs sociales, concernant le temps de travail, la qualité de vie et la féminisation de la profession, que la collaboration salariée peut se révéler finalement être un excellent compromis.
En effet, un médecin collaborateur peut être salarié d’un autre médecin depuis le décret n° 2006-1585 du 13 décembre 2006 entré en vigueur le 15 juin 2007. Selon les chiffres communiqués par le Conseil national de l’Ordre des Médecins, le nombre de médecins ayant signé ces contrats ces dernières années est en augmentation régulière et notamment dans les cabinets à très forte activité. Deux cas de figure sont à distinguer : ce contrat peut être signé soit entre deux ophtalmologistes, soit entre un ophtalmologiste et une société d’exercice.
Contrairement au remplacement qui est temporaire, la collaboration salariée peut être à durée déterminée ou indéterminée.
Cette option permettra de garantir a chacun des droits et des obligations déterminées par un contrat de travail rédigé dans le respect du droit du travail et du code de déontologie. Le non-respect de l’une de ces dispositions peut entraîner la nullité de la clause ou la requalification du contrat.
Le lien de subordination qui encadre la relation du médecin salarié et du médecin employeur pour tout ce qui relève de l’organisation du travail et de la gestion du cabinet n’interfère cependant en rien sur la relation du médecin salarié avec le patient. L’ophtalmologiste salarié garde sa totale indépendance dans le cadre de sa relation directe avec le patient et des décisions médicales qu’il doit prendre. Cette indépendance implique qu’il puisse, pour des raisons sérieuses et motivées et notamment lorsque toute relation de confiance est rompue, refuser ses soins à un patient. Cette indépendance implique qu’il dispose également de son entière liberté de prescription.
Il doit s’assurer pour faire face notamment au risque de poursuites pénales dans le cadre de son activité médicale. Ce risque est minimum et le montant des primes est alors proportionné à la faible incidence du risque assuré.
Le contrat de travail pourra prévoir une rémunération à l’activité avec une rémunération mensuelle de base garantie, telle, un fixe et une partie variable.
Des congés payés, la durée du temps de travail, une période de préavis ;
Aucune contrainte comme l’achat de matériel, la gestion du personnel...
Et le salarié aura aussi l’assurance d’une excellente protection sociale en cas de maladie, de maternité et de retraite et d’une mutuelle ;
Pour le salarié, c’est la garantie d’une activité médicale assurée et diversifiée, source d’une expérience souvent recherchée et d’une rémunération attractive. Et ce, en évitant le lourd investissement souvent inhérent à une installation.
Les honoraires sont encaissés sur le tarif de base du médecin employeur ou de la société employeur, ce qui permet d’avoir des honoraires élevés alors qu’une première installation s’accompagne souvent d’honoraires plus timides.
Et ce d’autant plus si le futur médecin salarié exerce habituellement en secteur 1 en libéral : en effet, ses honoraires seront eux, basés sur le secteur d’installation du médecin employeur (en secteur 2 le plus souvent).
Enfin le médecin collaborateur peut cumuler plusieurs emplois dans plusieurs cabinets ou cumuler une activité libérale et un salariat.
Faut-il noter que l’autre avantage non négligeable du salariat pour un ophtalmologiste ne réside sans doute aucun dans l’application de la fiscalité des professions salariées et non plus des professionnels libéraux, faisant ainsi passer celle-ci de 30 % environ à 18 % approximativement, sans compter naturellement qu’en cas de congédiement le service des allocations chômage lui sera garanti….
Pour l’employeur, l’intérêt est de recruter une compétence complémentaire sur un temps partiel en général. Et le fait d’indexer une partie de la rémunération du salarié à son activité (sur le nombre d’actes pratiqués) va lui permettre potentiellement de se soulager, et d’accroitre son chiffre tout en conservant son pouvoir de direction et d’encadrement.
Les récentes « ordonnances Macron » du 23 septembre 2017 ont par ailleurs considérablement réduit le risque inhérent aux litiges prud’homaux, plafonnant les indemnités éventuellement dues au salarié en cas de licenciement jugé abusif et simplifiant les procédures de licenciement. Ces mesures participent a une certaine flexibilité du droit du travail.
Finalement la collaboration salariée d’inscrit dans une logique de partage des activités entre les ophtalmologistes permettant d’optimiser la rentabilité des centres d’ophtalmologies, tout en laissant à chacun un espace de liberté pour sa vie privée.