Avril 2014, deux conducteurs venaient me voir ensemble en rendez-vous. Ils m’expliquaient avoir été verbalisés pour deux grands excès de vitesse, relevés en même temps, et qu’ils contestaient vivement. J’insiste sur le « en même temps » car toute la particularité de ce dossier réside en ces mots.
Monsieur M et Monsieur Z étaient interpellés pour avoir dépassé la vitesse maximale autorisée de plus de 50km/h. En l’espèce, il leur était reproché une vitesse de 182km/h reteue pour une vitesse autorisée de 90km/h. Leur permis de conduire leur était retiré sur le champ et un avis de rétention leur était remis. Il recevait tous deux, quelques jours plus tard, une suspension administrative de leur permis de conduire pour une durée de 6 mois.
Leur vie professionnelle étant sérieusement remise en question par cette suspension immédiate, je formais pour eux deux une demande de comparution afin qu’ils puissent être jugés dans les meilleurs délais et leur permettre d’avoir une chance d’obtenir la restitution de leur titre avant la fin du délai de 6 mois.
Le Tribunal de Police de SENLIS faisait droit à notre demande et citait à comparaître Monsieur M et Monsieur Z.
Les pièces pénales des deux dossiers m’étaient transmises et me permettaient de relever un certains nombres d’irrégularités. Je remarquais notamment que la date de rédaction des procès-verbaux était irrégulière au regard des dispositions du Code de Procédure Pénale et de la jurisprudence de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation. Il s’agirait de mon premier argument, mais je remarquais aussi ce qui serait la singularité de cette affaire : Monsieur Z et Monsieur M avaient été interpellés à la même vitesse au kilomètre par heure près, au même point routier exactement, à la même heure, même minute, et leur vitesse était relevée par le même agent de police.
Les points communs s’arrêtent la, car l’agent de police, à la lecture des deux procès verbaux, retenait la vitesse des véhicules au moyen de deux cinémomètres distincts. Un ultralyte dans une main et un eurolaser dans l’autre…
Sans même entrer dans des considérations de faisabilité d’une telle prouesse par l’agent, il était donc reproché la même infraction à deux justiciables.
Forte de ces arguments, je représentais mes deux clients devant le Tribunal de Police de SENLIS en juin 2014.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’aléa judiciaire étant ce qu’il est, la Présidente de la Juridiction relaxait Monsieur Z et condamnait Monsieur M. Monsieur Z avait bénéficier de l’irrégularité sur les dates de rédaction des procès-verbaux. Monsieur Z étant relaxé, il ne restait manifestement que Monsieur M. Très peu émue par deux procès-verbaux manifestement contradictoires établis par un agent de police relevant au même instant la même vitesse pour deux véhicules sur une chaussée à une voie avec un cinémomètre dans chaque main, Monsieur M était condamné à une suspension de son permis de conduire et une amende, outre une perte de 6 points sur son titre de conduite.
Monsieur M interjetait appel sur mes conseils et était, dès lors, contraint de purger les 6 mois de suspension administrative tandis que Monsieur Z récupérait son droit de conduire sans attendre.
C’est ainsi que Monsieur M comparaissait devant la Cour d’Appel d’Amiens en février 2015. Les arguments soulevés en première instance étaient de nouveaux débattus. L’avocat général soulevait, pour sa part, qu’il était évident que deux policiers distincts avaient procédé au relevé de vitesse des deux véhicules (contrairement à ce qu’indiquait les procès-verbaux).
L’affaire était mise en délibéré.
Le Président de la Cour après en avoir délibéré relaxait Monsieur M des faits de grand excès de vitesse comme l’avait été Monsieur Z plusieurs mois auparavant.
Pour en savoir plus :
http://www.avocat-spira.fr/grands-exces-de-vitesse-et-confusion/#more
Pour lire la décision de la Cour d'Appel :
http://www.avocat-spira.fr/wp-content/uploads/2015/06/CA-Amiens-avril-2015-Grand-EV.pdf