Il n'y a pas que le fond dans la vie, il y a la procédure aussi...
Un arrêt récent de la Cour de Cassation (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 juin 2022, 21-17.200, Inédit) (1) vient nous rappeler qu'il ne FAUT pas oublier de vérifier la procédure, car une pépite est peut être cachée dedans, de nature à nous faire gagner un procès pour nos clients, alors même que ça ne partait pas très bien ...
Dans l'espèce soumise à la cour de cassation, il n'apparaissait pas clairement que la cour d'appel avait statué au vu des dernières conclusions récapitulatives de l'appelant, lequel y avait ajouté (légitimement et régulièrement) des prétentions complémentaires et produit de nouvelles pièces dont il n'avait pu avoir connaissance avant. La Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel sur ce motif.
1 - Faits et procédure, le copropriétaire débouté par deux fois
Les faits de l'espèce sont on ne peut plus simples.
Un copropriétaire vend un lot. Le Syndicat des Copropriétaires estime qu'il n'est pas à jour de ses charges fait donc opposition extrajudiciaire sur le prix de vente séquestré par le Notaire à hauteur de la somme due au titre des charges, pour en obtenir libération à son profit (en clair, le paiement des charges).
Rien que du très traditionnel.
Le copropriétaire mécontent, là aussi c'est classique, assigne le Syndicat devant le juge des référés en vue d'obtenir la mainlevée de l'opposition, sur le fondement de l'existence d'un trouble manifestement illicite.
Le Juge de premier instance déboute le copropriétaire de ses demandes, estimant qu'il n'y pas de trouble manifestement illicite, et par conséquent, maintient le blocage des fonds.
Le copropriétaire interjette appel, l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 9 décembre 2020 confirme la décision rendue par le juge des référés. Blocage des fonds maintenu.
Le copropriétaire ne lâche rien et se pourvoit en cassation.
2 - Le pourvoi en cassation casse l'arrêt d'appel attaqué, le copropriétaire reprend l'avantage
L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris est cassé au visa des articles 455, alinéa 1er, et 954, alinéa 4, du code de procédure civile dont il résulte que si l'arrêt "n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date."
En l'espèce, le copropriétaire avait conclu une première fois, puis avait déposé des conclusions développant une argumentation complémentaire et signifié de nouvelles pièces, dont il n'avait pas pu avoir connaissance avant.
Or, "la cour d'appel, qui n'a ni visé ces dernières conclusions ni statué par des motifs démontrant qu'elle les auraient prises en considération, a violé les textes susvisés."
Pour rappel l'article 455, alinéa 1 du CPC dispose que " le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé."
L'article 455 alinéa 1 du CPC indique que cet exposé "PEUT" revêtir etc....Mais ce qui est certain c'est que la cour DOIT justifier, aux termes de sa décision, qu'elle a bien pris connaissance des dernières écritures récapitulatives et des dernières pièces régulièrement signifiées. Aucun doute ne doit être laissé à ce sujet.
"Si le Juge n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date."
L'article 954 alinéa 4, que nous connaissons bien, quant à lui, pour le pratiquer depuis plusieurs années avec assiduité, précise que "Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées."
L'arrêt de la Cour d'Appel de Paris rendu le 9 décembre 2020 est donc cassé en toutes ses dispositions, l'affaire remise dans l'état où elle se trouvait avant cet arrêt, et renvoyée devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour y être jugée à nouveau.
3 - A suivre....
L'arrêt de la cour de cassation rappelle le second moyen de cassation, en trois branches, invoqué par le copropriétaire, qui soulève pour chacune d'elles le manque de bases légales, de la Cour d'Appel lorsqu'elle a débouté le copropriétaire de sa demande de main levée. Le copropriétaire soutient que :
- L'existence d'un acte authentique prévoyant un séquestre n'exclut pas la possibilité d'un trouble manifestement illicite qui résulterait d'une opposition extrajudiciaire irrégulière.
- Le Syndicat ne justifiait pas d'une créance liquide et exigible à la date de mutation, et que de ce fait, l'opposition du Syndicat créerait un trouble manifestement illicite.
- Le Juge des référés peut ordonner la main levée du séquestre sans préjudicier au principal.
La Cour a estimé ce second moyen comme "n'étant manifestement pas de nature à entrainer la cassation" sans autre précision.
L'affaire ne sera donc rejugée.
La persévérance peut payer, et la procédure peut aider ! Tant que la Cour de Cassation n'a pas statué...
La persévérance peut payer, et la procédure peut aider ! Tant que la Cour de cassation n'a pas statué....
(1) Cour de cassation civile, Chambre civile 3, 22 juin 2022, 21-17.200, Inédit