Parmi les questions qui préoccupent les spécialistes du Doit des Droits de l’Homme figure
aussi la Nationalité. Celle-ci n’est plus uniquement du domaine du Droit international privé, elle fait couler encre et salive dans le cadre de la protection et de la promotion des droits dits de "l’Homme".
En tant que lien politique et juridique déterminant l’allégeance d’une personne physique ou
morale à un Etat, la question de nationalité mérite bien faire l’objet des discussions au sein des Assemblées et parmi les juristes, sociologues, hommes politiques, hommes de la rue, etc.…, surtout dans un pays où la nationalité de plusieurs personnes résidant dans des provinces faisant frontière avec des Etats voisins est, depuis toujours, été remise en cause par ceux qui croient être des "vrais" autochtones, des "vrais" nationaux.
Face à la mondialisation et à la théorie du village planétaire, il n’est plus à la une ce jour, à
notre avis, de mettre sur la table de discussion la question de renier la nationalité congolaise à ceux qui se sont toujours comportés comme "congolais" et l’ont été reconnus comme tels depuis plusieurs années, sauf évidemment pour des raisons politiques dont nous n’avons pas l’intention d’aborder dans cette analyse.
La nationalité est une notion réglementée non seulement par la loi nationale, mais également par plusieurs instruments juridiques internationaux des Droits de l’Homme. Deux Résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies peuvent être citées. Il s’agit de :
- la Résolution 1040 (XI) du 29 janvier 1957 portant convention sur la nationalité de la femme
mariée et - la Résolution 40/44 du 23 décembre 1985 portant Déclaration sur les droits de l’homme des personne qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles vivent (1).
Si la deuxième Convention impose à l’étranger de respecter les lois du pays où il vit et à
l’Etat (d’accueil) d’édicter des lois et règlements non incompatibles avec les obligations juridiques internationales y compris celles relatives aux droits de l’homme et notamment ceux proclamés par la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 et autres instruments juridiques internationaux y relatifs, la première Résolution, elle, a été adoptée en tenant compte du fait que des conflits de lois et de pratiques en matière de nationalité ont souvent leur origine dans les dispositions relatives à la perte ou à l’acquisition de nationalité par la femme du fait du mariage, de la dissolution du mariage ou du changement de nationalité du mari pendant le mariage(2).
Nombreux instruments juridiques internationaux et régionaux, en dehors de ces deux
résolutions, reviennent et insistent, dans leurs dispositions, sur la question de nationalité. Nous en allons pour exemple la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16 décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples adoptée le 18 juin 1981, etc.
La République Démocratique du Congo vient, pour sa part, de réglementer la nationalité
congolaise à travers la loi n° 04/020 du 12 novembre 2004. Mais la question reste posée, celle de savoir si elle a obéi aux caprices de ces instruments juridiques internationaux et régionaux relatifs aux droits de l’homme. Telle est la préoccupation sur laquelle va tourner cette analyse.
Pour y répondre, nous devons, dans le souci de fixer les esprits, faire un petit aperçu
historique de la nationalité congolaise (I) avant de dégager respectivement les grandes innovations que la nouvelle loi apporte par rapport à celle qu’elle a abrogée, c’est-à-dire le Décret-loi n° 197 du 29 janvier 1999 modifiant et complétant la loi n° 81-002 du 29 juin 1981 sur la nationalité congolaise (II) et le réel impact des normes internationales des droits de l’Homme sur ces innovations (III). Une conclusion clôturera la présente analyse.
I. BREF APERÇU HISTORIQUE DE LA NATIONALITE CONGOLAISE
La nationalité congolaise, il faut le rappeler, vient de connaître une succession progressive
d’au moins six textes légaux sans compter les préventions constitutionnelles. Elle tire sa source du Décret du 27 décembre 1892, qui constitue le premier texte relatif à la nationalité de l’ex-Etat Indépendant du Congo. Vient successivement, après l’indépendance, le Décret-loi du 18 septembre 1965 relative à la nationalité congolaise, la loi n° 72-002 du 5 janvier 1972, la loi n° 81-002 du 29 juin 1981 et le Décret-loi n° 197 du 29 juin 1999 sur la nationalité congolaise (3). C’est ce dernier texte qui vient d’être remplacé par l’actuelle loi du 12 novembre 2004.
La loi n° 04/020 du 12 novembre 2004 résulte d’un débat intervenu au Parlement à l’issue
duquel elle a été adoptée simultanément, en date du 22 octobre 2004, par l’Assemblée Nationale et le Sénat, à l’exception de l’article 6 qui opposait les deux chambres et qui n’a pas permis de dégager un consensus malgré les propositions faites par la Commission mixte paritaire instituée conformément à l’article 104, alinéa 5 de la Constitution de la Transition du 4 avril 2003.
Ainsi, agissant conformément à l’article 104, alinéa 6 de cette même Constitution, l’Assemblée Nationale a définitivement statué seule, le lundi 25 octobre 2004, et le projet de loi a été adopté avec 313 voix pour, 4 voix contre et 17 abstentions, soit 334 votants sur 500 membres que comporte cette institution de la Transition en République Démocratique du Congo.
Se conformant de son côté à l’article 121, alinéa 2 de la Constitution (5, le Président de la
République saisit la Cour suprême de justice par deux requêtes pour demander à la plus haute Cour de vérifier la conformité de ce projet à la Constitution de la Transition, respectivement en dates des 27 octobre et 3 novembre 2004 tout en renonçant à la première requête au profit de la seconde.
Après examen de ces deux requêtes, inscrites au greffe sous R.Const. 21/TSR et R. Const.
22/TSR, la Cour suprême de justice déclara conforme à la Constitution de la transition la loi organique de nationalité congolaise ce, en date du 10 novembre 2004 (6). C’est seulement et après cet arrêt que le Chef de l’Etat promulgua la loi organique de nationalité en République Démocratique du Congo en date du 12 novembre 2004 et dont présente analyse.
Il est d’une importance historique de connaître que la loi sous examen a été adoptée en
exécution de la Résolution n° DIC/CPR/03 du Dialogue inter-congolais, de l’Accord Global et Inclusif et de la Constitution de la transition aux termes desquels les délégués ont décidé de mettre fin à la fracture sociale créée par la question de nationalité, afin d’établir la coexistence pacifique de toutes les couches sociales sur l’ensemble du territoire national
(7).
II. DES INNOVATIONS APPORTEES PAR LA NOUVELLE LOI
Contrairement aux textes anciens, la nouvelle loi apporte quelque chose de neuf pour le
Congo et ce, à plusieurs points de vue.
1. Au point de vue de répartition du corpus législatif Comme le décret-loi n° 197 du 29 janvier 1999, la nouvelle loi est repartie en dix chapitres, divisés à leur tour en sections pour certains et en paragraphes pour d’autres. Mais elle n’a que 53 articles alors que le texte abrogé en comptait 56. Les intitulés des chapitres et sections sont restés
identiques.
2. Au point de vue contenu du texte Certaines dispositions de la nouvelle loi ont été reproduites in extenso de l’ancien texte, si pas littéralement mais téléologiquement. On retrouve par exemple l’article 1er qui consacre l’unité et l’exclusivité de la nationalité congolaise ainsi que le refus de la détenir concurremment à une autre, l’article 2 sur les principes de reconnaissance, d’acquisition et de perte de nationalité, les anciens
articles 5 et 6 ont été combinés en un seul article 7 ; les anciens articles 7 et 8 sont devenus l’article 8, l’ancien article 17 sur l’acquisition de la nationalité par l’effet de l’option est devenu l’article 13, l’ancien article 18, alinéa 1er est devenu l’article 14, l’article 20 ancien devient l’article 15 nouveau, l’ancien article 21 est remplacé par l’article 16 à l’exception de l’institution Président de la République qui est remplacée par celle Gouvernement ; l’article 23 ancien est devenu l’article 17 ; l’article 25 ancien a été reproduit en partie par l’article 24 sur les effets de l’acquisition de la nationalité congolaise ; l’idée de l’ancien article 27 est exprimée par le nouvel article 26 qui renvoie à l’article 1 de la loi ; l’article 36 ancien est devenu l’article 34 ; l’ancien article 41 est devenu l’article 37 ; l’alinéa
1er de l’article 42 de l’ancien texte est repris à la première partie du nouvel article 38 ; l’article 43, alinéas 1 et 3 devient le nouvel article 39 ; l’article 44 et 45 anciens ont été reproduits par les nouveaux articles 40 et 41 sur la procédure relative à la déchéance ; les articles 46 et 48 ont été reproduits aux nouveaux articles 42 et 44 alors que les anciens articles 49 et 50 deviennent les articles 45 et 46 sur la preuve de la nationalité. S’agissant des anciens articles 51 et 52, ils sont devenus les articles 47 et 48. Les autres dispositions qui suivent sont relatives aux dispositions particulières et transitoires ainsi qu’aux dispositions abrogatoires et finales. Elles n’ont donc pas d’intérêt pour être examinées.
3. Au point de vue de rejet ou suppression de certaines options fondamentales de l’ancien texte.
Si certaines dispositions de l’ancien décret-loi ont été intégralement reproduites, il va sans
dire que la nouvelle loi, en levant des nouvelles options, a rejeté ou supprimé certaines options de l’ancienne loi et qui en constituaient le fondement même. Nous en avons pour exemple :
a) le point de départ à partir du 30 juin 1960 et l’appartenance à un des ascendants qui a été membre d’une des tribus établies au Congo dans ses limites au 1er août 1885 ne sont plus des critères déterminant la nationalité d’origine par appartenance. Le seul critère retenu est l’appartenance aux groupes ethniques et nationalité dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo à l’indépendance.
Ce nouveau critère met fin aux éventuels conflits qui résulteraient de la contestation de la
nationalité et permet à tous les membres des groupes ethniques, même étrangers, qui se sont installés ou se sont trouvés au Congo lors de son accession à l’indépendance, de devenir congolais par appartenance. Il s’agit-là d’une innovation permettant d’éviter des guerres fondées sur la contestation de la nationalité congolaise et sur le risque d’apatridie de certains groupes ethniques ;
b) la suppression de l’institution petite et grande naturalisation. La naturalisation est devenue un des modes d’acquisition de la nationalité sans aucune allusion à la petite ou à la grande, qui constituaient les plus dures étapes pour un étranger qui voulait acquérir la nationalité congolaise ;
c) la suppression de l’annulation comme mode de perte de la nationalité, qui était organisée par l’article 32 de l’ancien texte et qui sanctionnait toute acquisition de la nationalité par fraude, déclaration erronée ou mensongère, dol ou présentation d’une fausse pièce contenant assertion mensongère, ou, usage de corruption, de concussion ou de tout procédé déloyal utilisé lors de son acquisition ;
d) plusieurs pouvoirs jadis dévolus au Président de la République lui sont retirés et deviennent actuellement de la compétence du Gouvernement statuant en conseil des Ministres. On peut relever entre autres, le pouvoir d’accorder la naturalisation dont le décret est d’abord délibéré en conseil des Ministre et soumis à l’avis de l’Assemblée Nationale avant sa promulgation par le Président de la République (article 12), le pouvoir de s’opposer à l’acquisition par un étranger de la nationalité par voie d’option pour indignité de l’impétrant (article 16), le pouvoir qu’il avait sous l’ancienne loi de prononcer la déchéance de la nationalité dans le cas où il est découvert que l’impétrant l’a acquise en violation de la loi (article 27), le pouvoir de s’opposer au recouvrement de la nationalité (article 33), etc.
Qu’il nous soit permis de le dire, même si l’on sait que le Chef de l’Etat est également le
chef du Gouvernement, la nouvelle loi décapite le Président de la République de tous les pouvoirs qu’il possédait sous l’ancien texte ; il partage désormais avec les Ministres toutes les questions touchant à la nationalité ; il n’agit plus comme avant à seul maître ; pour certaines matières, il devra même avoir l’avis de l’Assemblée Nationale, le tout dans le souci de l’émergence d’un Etat moderne où la collectivité des citoyens demeure un facteur d’inclusion à l’intérieur du pays.
4. Autres innovations à relever
Outre ce qui est dit supra, la nouvelle loi contient des nouveautés qui n’ont jamais figuré
tant dans les constitutions que dans les lois organiques antérieures.
a. Le mariage sans distinction de sexe, est devenu un des critères d’acquisition de la nationalité congolaise
Dès l’article 1er , la nouvelle loi consacre l’adoption du mariage comme un des modes
d’acquisition de la nationalité congolaise. Au paragraphe 4 de la première section du chapitre 3, on peut lire que « l’étranger ou l’apatride qui contracte le mariage avec un conjoint de nationalité congolaise peut, après un délai de sept ans à compter du mariage, acquérir la nationalité congolaise, (…) à condition qu’à la date du dépôt de la demande, la communauté de vie n’ait pas cessé entre les époux et que le conjoint congolais ait conservé sa nationalité » (article 19). « L’annulation du mariage n’a point d’effet sur la nationalité des enfants qui en sont issus » (article 20).
L’ancien décret-loi ne reconnaissait qu’à l’étrangère qui épousait un congolais le pouvoir
d’acquérir la nationalité congolaise (article 19). Quant aux enfants, la situation actuelle est la même que celle jadis prévue dans le texte abrogé.
Un autre élément à ajouter est le fait que la nouvelle loi cite expressément et courageusement l’apatride dans le texte alors que l’ancien texte se contentait de le définir en termes d’un « parent inconnu ou sans nationalité », sans le citer.
b. La naissance et la résidence en République Démocratique du Congo
Jadis, c’est le principe de "jus sanguinis" (transmission de la nationalité par filiation) qui
était l’option fondamentale pour l’acquisition de la nationalité congolaise, qu’il s’agisse d’un enfant dont le père est congolais que de celui dont la mère est congolaise.
La nouvelle loi innove en ce que, outre l’appartenance, la filiation et la présomption légale,
le seul fait de naître en République Démocratique du Congo fait de cette personne un congolais, peu importe le statut des parents (apatrides, réfugiés ou étrangers) à condition que l’enfant, âgé de 18 ans, manifeste par écrit la volonté de devenir congolais et justifie d’une résidence permanente en République Démocratique du congo.
Ainsi qu’on peut le remarquer, la nouvelle loi retient le principe de jus sanguinis qui existait
déjà et ajoute celui de jus soli (article 21) comme cela fut le cas avec le décret du 27 décembre 1892.
Les jus soli, comme on le sait, est supérieur au jus sanguinis ; il permet de rapporter
aisément la preuve de la nationalité d’origine ou d’acquisition par la simple production du certificat de naissance de l’individu ; le fait que les parents soient inconnus ou apatrides demeure sans influence sur le contentieux de la nationalité.
c. Des congolais par appartenance
"Est congolais d’origine, toute personne appartenant aux groupes ethniques et nationalité
dont les personnes et le territoire constituaient ce qui est devenu le Congo (présentement la République Démocratique du Congo) à l’indépendance" stipule l’article 6 de la nouvelle loi. Alors que l’article 4 du décret-loi abrogé stipulait qu’ "Est congolais, à la date du 30 juin 1960, toute personne dont un des ascendants est ou a été membre d’une des tribus établies sur le territoire de la République Démocratique du Congo dans ses limites au 1er août 188, telles que modifiées par les conventions subséquentes".
Tout œil d’intellectuel découvrira que fondamentalement ces deux dispositions ne sont pas
identiques tant sur la formulation que sur l’objectif poursuivi par chacune d’elles. C’est l’unique disposition qui n’a pas fait l’unanimité des parlementaires congolais lors des discussions de la loi.
En effet, l’article 6 de la loi en vigueur reproduit mot à mot l’alinéa 1er de l’article 14 de la
Constitution de la transition du 4 avril 2003.
L’innovation réside en ce que, sous l’ancienne loi, les membres des tribus et ethnies qui ne
se trouvaient pas inventoriées comme tribus ou ethnies congolaises à la date du 1er août 1885, date de la création de l’Etat Indépendant du Congo, n’étaient pas considérés comme congolais d’origine à l’accession du pays à l’indépendance. En d’autres termes, les membres des groupes ethniques qui se sont formés au Congo après le 1er août 1885 n’avaient jamais été reconnus comme congolais lorsque le Congo obtient sa souveraineté nationale et internationale. Il fallait soit collectivement (jusqu’en 1999) soit sur demande expresse et individuelle (après 1999) leur accorder cette nationalité. Ils devenaient
congolais par acquisition.
Par le nouveau texte, non seulement que le principe d’appartenance refait surface mais aussi que tous ces groupes ethniques deviennent congolais d’origine et par appartenance dès lors qu’à la veille de l’indépendance, c’est-à-dire le 30 juin 1960, ces groupes ont été parmi les ethnies qui se trouvaient au Congo. Tel n’a pas rencontré la volonté du Sénat et de quelques députés congolais.
Mais la ratio legis de cette nouvelle énonciation devra être recherchée, nous croyons, entre
autres aux résultats de la Résolution n° DIC/CPR/03 du Dialogue Inter-congolais relative à la
problématique de la nationalité au regard de la réconciliation nationale, et de l’Accord Global et Inclusif signé à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté à Sun City le 1er avril 2003 spécialement sur le deuxième objectif de la transition parmi les cinq retenus (9).
A notre humble avis, la question ayant été longuement discutée tant à Pretoria qu’à Sun City et que l’Assemblée Nationale et le Sénat tirent leur légitimité de ce Dialogue et de cet Accord, il n’était plus évident de remettre en cause ce qui était déjà constitutionnalisé et qui constituait un des objectifs pour lesquels cette transition a fonctionné.
III. DE L’IMPACT DES DROITS DE L’HOMME SUR LA NOUVELLE LOI
Comme nous l’avons souligné ci-haut, la nationalité est un domaine à la fois du droit
international privé et du droit des droits de l’homme. A titre de preuve, la nouvelle loi, contrairement aux précédentes, a voulu se conformer aux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme. Cela est d’autant plus vrai que des solutions relatives aux cas d’apatridie, de naissance, de mariage ont été trouvées. Il suffit de lire le préambule de la Constitution de la Transition et l’exposé des motifs de la loi pour s’en convaincre.
1. Cas d’apatridie
La lecture de l’article premier, point 1 de la Convention sur la réduction des cas d’apatridie
adoptée le 30 août 1961 et entrée en vigueur le 13 décembre 1975 révèle que "Tout Etat contractant accorde la nationalité à l’individu né sur son territoire et qui, autrement, serait apatride. Cette nationalité sera accordée a) De plein droit, à la naissance, ou b) sur demande souscrite (…)" système juridique moderne de nationalité intègre cette Convention même si nous ne pouvons pas dire avec certitude que le Congo en a ratifié.
Dans plusieurs de ses dispositions, notamment l’article 5 qui le définit ainsi que l’article 9, il
est conféré la nationalité par présomption aux enfants né en République Démocratique du Congo de parents ayant le statut d’apatride. L’article 19 quant à lui, accorde à l’apatride le pouvoir de demander l’acquisition de la nationalité s’il contracte le mariage avec un conjoint de nationalité congolaise.
2. Cas de mariage et de naissance
L’article 15 de la Déclaration Universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 pose
le principe que "Tout individu a droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité" (11).
La Convention sur la nationalité de la femme mariée du 29 janvier 1957, entrée en vigueur le 11 août 1957 stipule, en son article 1 Etat contractant convient que ni la célébration, ni la disposition du mariage entre ressortissants
étrangers, ni le changement de nationalité du mari pendant le mariage, ne peuvent ipso facto avoir d’effet sur la nationalité de la femme".
Quat au cas des enfants, outre la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre
, l’article 24 point 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques adopté le 16
décembre 1966 et entré en vigueur le 23 mars 1976 énonce que "Tout enfant a le droit d’acquérir une
nationalité" (14).
La nouvelle loi sur la nationalité congolaise a intégré ces principes dans les articles 10, 13,
14, 17, 21 et 25. Bref, les instruments des droits de l’homme ont été honorés et même pertinemment intégrés.
3. Lutte contre les crimes des droits de l’homme
Dans le souci de combattre l’impunité de certains crimes graves qui touchent la
communauté internationale toute entière et de ne pas accorder la nationalité aux auteurs de ces crimes, le législateur congolais fait de la condamnation pour ces crimes une opposition à l’acquisition de la nationalité.
En effet, en vertu de l’internationalisation de lutte contre les crimes touchant aux droits de
l’homme, il n’est plus concevable de voir un Etat moderne devenir la poubelle des criminels
internationaux des droits de l’homme. Ainsi, l’article 22 soumet l’acquisition de la nationalité aux conditions, entre autres, de n’avoir pas fait l’objet d’une condamnation définitive par les juridictions nationales ou étrangères pour des infractions de crimes de guerre, crimes de génocide, crimes contre l’humanité, crimes d’agression, crimes de terrorisme, viol des mineurs, pédophilie, crimes économiques, blanchiment des capitaux, trafic d’armes, trafic de drogue, etc.… Là, on ne l’ignore pas, c’est le Statut de Rome sur la Cour Pénale Internationale ratifiée par notre pays, spécialement son article 77, qui est suffisamment inspirée par le législateur dans la nouvelle loi ainsi que l’emprunt d’autres instruments juridiques internationaux, régionaux ainsi que des législations étrangères, notamment sur le blanchiment des capitaux, la pédophilie, la répression de trafic d’armes, trafic de
drogue et sur les crimes économiques.
Par cette restriction, la politique de la porte ouverte, jadis principe, n’est plus de mise de
plein droit. Raison pour laquelle chaque demande doit être examinée individuellement et, s’il échet, avoir des renseignements provenant de tout Etat sur la moralité de l’impétrant. Là aussi, ce sont les instruments internationaux des droits de l’homme qui influencent le législateur.
CONCLUSION
Il ne fait l’ombre de doute que la longue transition qui a commencé depuis 1990 et les
guerres que la République Démocratique du Congo a connues depuis 1996 ont apporté une nouvelle vision des choses au pays. La résolution de ses différents conflits armés ont conduit le Congo sur un chemin à double objectifs : d’abord, s’inscrire dans la logique de l’instauration d’un Etat de droit par le respect des textes et surtout par l’intégration dans son système juridique interne des normes modernes du droit et notamment du droit de la nationalité. Ensuite, le Congo a finalement compris la logique qui veut qu’aucun pays moderne ne peut construire la paix sans au préalable avoir la culture de respecter les droits de l’homme et, ne peut se développer en excluant des étrangers dans certains aspects de sa politique interne.
La nouvelle loi sur la nationalité, loin de satisfaire unanimement tous les congolais,
répond néanmoins, à quelques égard près, à cette logique et le législateur de 2006 mérite bien recevoir des éloges. Mais, vu la procédure instituée pour l’acquisition de la nationalité congolaise, l’on est tenté de proposer la prévision d’un organisme spécial à la base pour la confirmation des actes donnant accès à l’acquisition de la nationalité et servant de base à l’obtention du certificat de nationalité, preuve par excellence de la nationalité congolaise. En clair, le système de délivrance des actes donnant droit à l’obtention du certificat de nationalité congolaise doit être renforcé par le Gouvernement.
A voir les choses telles qu’elles se déroulent, on dirait que les actes de naissance voire le
certificat de nationalité sont délivrés sans aucune politique d’encadrement et de vérification efficaces, au risque de les faire bénéficier frauduleusement. Ainsi, voudrions-nous saisir cette occasion pour proposer qu’une structure institutionnelle spéciale soit mise en place à partir de la base pour assurer cette surveillance et combattre une fois pour toute cette fraude, notamment par le contreseing de ces actes par les organes ou personnes les plus rapprochés du citoyen et capables de vérifier les déclarations du demandeur avant leur soumission à l’autorité compétente. Nous pensons ici aux chefs des rues, chefs d’avenues ou chefs des quartiers. Certes, la procédure peut paraître lourde mais elle nous semble plus rassurante.
Puisse cette analyse contribuer efficacement au développement de la question de
nationalité au Congo.
REFERENCES :
1. Par ces personnes, il faut penser aux étrangers en général y compris les réfugiés et les apatrides.
2. P.F. KANDOLO ON’UFUKU WA KANDOLO, De la réglementation congolaise du droit international privé (essai de mise en commun avec notes), Editions Recherche d’une Justice Juste, Lubumbashi, 2004, p. 75.
3. P.F. KANDOLO, Op.cit, p. 16
4. L’article 104 al. 6 stipulait : Si le désaccord persiste, l’Assemblée Nationale statue définitivement ».
5. L’alinéa 2 de l’article 121 stipulait : « Les lois organiques ne peuvent être promulguées que si la Cour suprême de justice, obligatoirement saisie par le Président de la République, les a déclarées conformes à la présente Constitution ».
6. Nos lecteurs peuvent trouver l’intégralité de la lettre du 3 novembre 2004 ainsi que l’arrêt de la Cour suprême de justice, R. Const. 21/TSR/22/TSR du 10 novembre 2004 dans les Analyses Juridiques, n° 5/2005, janvier - février - mars - avril, pp. 39-40.
7. Voir Exposé des motifs de la loi sur la nationalité congolaise.
8. J. de BURLET, "Précis de droit international privé congolais", F. Larcier, Bruxelles, 1971, p. 23, n° 28 cité dans P.F. KANDOLO, Op. cit, p. 22.
9. Accord Global et Inclusif sur la Transition en République Démocratique du Congo, 1er avril 2003 in Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 44ème année, n° spécial, 5 avril 2003, p. 52.
10. CENTRE POUR LES DROITS DE L’HOMME GENEVE, Droits de l’Homme - Recueil des Instruments internationaux, Nations Unies, New York, 1988, pp. 282-295.
11. Cette Déclaration a été intégrée dans notre système juridique interne par sa publication au Bulletin Officiel, 1949, p. 1206 et au Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, 40ème année, n° spécial, Avril 1999, pp. 711.
12. Lire cette Convention dans P.F. KANDOLO, Op. cit., pp. 84 – 88.
13. La Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, entrée en vigueur le 2 septembre 1990 a été intégrée en droit interne congolais par l’Ordonnance-loi n° 90-048 du 21 août 1990 autorisant la ratification de la Convention sur les droits de l’enfant, Journal Officiel, n° 18 du 15 septembre 1990 ; JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, Instruments internationaux relatifs aux Droits de l’Homme
ratifiés par la République Démocratique du Congo, n° spécial, 40ème année, avril 1999, pp. 108-124.
14. Ce Pacte ainsi que son protocole facultatif ont été ratifiés par la République Démocratique du Congo en date du 1er novembre 1976 et publié au JOURNAL OFFICIEL DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO, Op. cit, pp. 21-38.