Il est aisé d'imaginer la situation dans laquelle une société de crédit accorde un prêt affecté à un simple consommateur, destiné à financer l'achat d'un véhicule.
Mais alors même qu'il n'a pas entièrement apuré sa dette (le prêt n'étant pas intrégralement remboursé au créancier), le débiteur décède : curieuse façon me direz-vous de se libérer de ses obligations !
Néanmoins, technique plutôt efficace, laissant le créancier infortuné, démuni face à un débiteur parti rejoindre d'autres cieux.
Dès lors, la question qui se pose est de savoir si le défunt laisse derrière lui des héritiers, susceptibles d'être tenus au passif successoral et surtout quels sont les moyens mis à la disposition du créancier, afin d'identifier les ayants-droits du de cujus ?
1. Pratique
L'organisme prêteur, le plus souvent par le biais de son mandataire, va adresser une lettre au notaire en charge du règlement de la succession du débiteur décédé, pour lui indiquer qu'il forme opposition entre ses mains, à hauteur de la somme lui restant due, puis lui demande de bien vouloir lui communiquer le montant de l'actif net de la succession ( le but étant de savoir s'il y a une chance d'être remboursé au vu de l'actif composant la succession) et l'acte de notoriété servant à prouver la qualité d'héritier d'une personne.
Toutefois, il se peut que le notaire refuse de transmettre ces informations au créancier ou décide tout simplement d'ignorer sa demande, se retranchant derrière le secret professionnel, afin de ne pas divulguer le contenu de l'acte de notoriété.
Dans ce cas de figure, le créancier se retrouve dans l'impossibilité de prouver l'existence d'héritiers présomptifs. Alors, sur quel moyen le créancier (tiers à l'acte de notoriété) pourra-t-il se fonder pour obliger le notaire à lui délivrer la preuve de la présence d'héritiers ?
La solution est tirée de la jurisprudence (CA Aix-en-Provence, 15 octobre 2010 n°09/07430), qui permet au créancier sollicitant auprès du notaire des informations inscrites sur l'acte de notoriété (état civil et adresse des héritiers) de parvenir à la levée du secret professionnel, en obtenant au préalable une ordonnance du président du TGI, ce dernier contrôlant la légitimité de la requête.
Ainsi, le mandataire du prêteur devra saisir par requête le président du TGI pour que son client puisse commencer à espérer pouvoir assigner en paiement un héritier de son débiteur décédé (retour devant le juge) et obtenir le remboursement du prêt affecté.
2. Critique
Ce simple exemple semble souligner une certaine carence du droit face au rôle prééminent et essentiel du notaire dans le règlement des successions, qui parfois peut s'avérer être un "frein" à l'assignation des ayants-droits du défunt par le créancier impayé de ce dernier ; tout comme le passage obligatoire devant le juge afin d'obtenir ne serait-ce que le nom d'un héritier (potentiel futur payeur), obstacle à la célérité de l'affaire !
Il est alors regrettable que la loi n°2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, n'ait pas pris en compte les difficultés de preuve des créanciers et se soit uniquement placée du côté des héritiers, leur facilitant le mode de preuve pour justifier de leur qualité d'héritier auprès d'un établissement de crédit (Art L312-1-4 CMF : présenter une simple attestation signée par l'ensemble des autres héritiers en lieu et place d'un acte de notoriété) afin de récupérer le solde des comptes bancaires du de cujus, dans le but toutefois de payer les sommes nécessaires aux actes conservatoires de l'art 784 cciv (frais funéraires, loyers restant dus par le défunt et autres dettes successorales), dans la limite d'un montant qui sera fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Ne faudrait-il pas amorcer une simplication des démarches auxquelles sont confrontés les créanciers suite au décès incongru de leur débiteur ?
A méditer.