Rappel des faits
M. XXXX, ingénieur software chez Nexteer Automotive France depuis 2016, a été licencié en novembre 2018 pour des motifs présentés comme liés à une mauvaise gestion de ses tâches et des comportements inadaptés. Selon la lettre de licenciement, il aurait ignoré les consignes de ses supérieurs, créé des retards dans les projets critiques (dont les projets BMPV et CMP pour le client PSA, Stellantis), et perturbé la collaboration avec ses collègues et le client.
Cependant, M. XXXX a contesté cette décision, affirmant que son licenciement était motivé par les conséquences d’une surcharge de travail extrême et par des actes de harcèlement moral dont il avait été victime. Il a porté l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes, puis devant la Cour d’Appel de Paris après un premier jugement défavorable.
Le 23 mai 2024, la Cour d’Appel a donné raison à M. XXXX en annulant son licenciement et en le déclarant victime de harcèlement moral. Cette décision a également mis en lumière des manquements graves de Nexteer Automotive France dans le suivi des obligations légales envers ses salariés.
Un licenciement déclaré nul : le poids du harcèlement moral
Le jugement de la Cour est sans appel : le licenciement de M. XXXX a été déclaré nul, car il découlait directement d’agissements de harcèlement moral subis par le salarié. Nexteer Automotive a été reconnue coupable d’avoir maintenu une surcharge de travail insoutenable, tout en ne prenant aucune mesure pour protéger la santé mentale de son employé. Non seulement la direction n’a pas répondu aux alertes répétées de M. XXXX, mais elle a également choisi de lui reprocher son incapacité à gérer cette pression excessive, en le sanctionnant à plusieurs reprises.
L’ironie de la situation réside dans le fait que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement — "inventer des justifications inexistantes" ou "refuser d’assumer ses responsabilités" — étaient directement liés aux conséquences du harcèlement subi. La société semble ainsi avoir ignoré ses propres responsabilités tout en blâmant un salarié visiblement accablé.
Une convention de forfait illégale : l’échec du suivi de la charge de travail
Un autre point critique soulevé par la cour concerne la convention de forfait en jours appliquée à M. XXXX. Celle-ci a été déclarée nulle pour non-respect des obligations légales. Nexteer a failli à l’évaluation et au suivi de la charge de travail, un manquement grave pour une entreprise de cette envergure. Le salarié n’a bénéficié que d’un seul entretien sur sa charge de travail en deux ans et demi de contrat, alors que la loi impose un suivi annuel.
Ce défaut de contrôle a conduit à une condamnation de l’entreprise pour le paiement de près de 10 000 euros d’heures supplémentaires, une preuve supplémentaire de la surcharge de travail imposée à M. XXXX. Il est inquiétant de constater qu’une multinationale comme Nexteer semble ignorer des obligations aussi fondamentales que celles définies par le Code du travail français.
L’obligation de sécurité bafouée
L’employeur est tenu d’assurer la sécurité physique et mentale de ses employés, une obligation qui inclut la prévention des risques psychosociaux. Dans cette affaire, la Cour a retenu que Nexteer n’avait pas respecté cette obligation, en dépit des alertes du médecin du travail qui avait identifié un besoin d’accompagnement pour réduire la surcharge de travail et les interférences dans les missions de M. XXXX.
Le burn-out subi par l’ingénieur, attesté par un arrêt de travail, illustre tragiquement l’incapacité de l’entreprise à protéger ses employés. La cour a condamné Nexteer à verser 3 000 euros de dommages et intérêts pour ce manquement, un montant modeste compte tenu des conséquences humaines et professionnelles de ces négligences.
Une culture d’entreprise à questionner
Cette affaire révèle des pratiques préoccupantes qui vont bien au-delà du cas individuel de M. XXXX. Le harcèlement moral et le non-respect des obligations légales semblent refléter une culture d’entreprise où la pression et la productivité priment sur le bien-être des salariés. Les témoignages collectés montrent une organisation chaotique, où les tâches étaient souvent redistribuées sans considération pour la charge de travail initiale.
Cette désorganisation interne a également affecté les relations avec le principal client de Nexteer, PSA (Stellantis, anciennement Groupe PSA, constructeur automobile européen), dans le cadre des projets BMPV et CMP. Plusieurs échanges dans l’affaire montrent que les retards et dysfonctionnements dans ces projets ont directement impacté les interactions avec PSA. Le salarié licencié a été accusé de mauvaise gestion sur ces projets, mais la Cour a estimé que ces reproches découlaient principalement de la surcharge de travail et du harcèlement moral subi par l’ingénieur.
Une sanction symbolique mais insuffisante
Si la réintégration de M. XXXX et les indemnités accordées constituent une victoire pour le salarié, cette décision met également en lumière l’insuffisance des mécanismes de sanction pour dissuader de telles pratiques. Pour une entreprise de la taille de Nexteer, les montants alloués au titre des dommages et intérêts ou des rappels de salaires représentent une somme minime. Nexteer devra sérieusement revoir ses méthodes de management et de respect des droits sociaux si elle souhaite éviter de futures condamnations.
Cette affaire est un signal d'alarme pour Nexteer Automotive, qui voit son image écornée par de telles révélations. Les manquements aux obligations légales et le mépris des droits fondamentaux des salariés ne peuvent rester sans conséquences, ni pour les employés, ni pour la réputation de l’entreprise.