La Chambre sociale de la Cour de cassation vient de rendre le 21 décembre 2018 un arrêt qui a vocation à marquer durablement le contentieux des heures supplémentaires des cadres disposant d'un forfait jours.
Comme toujours, une situation classique : une personne présentant de nombreuses années d'ancienneté - dans le cas présent une dizaine d'années - qui se fait licencier et formule au titre de ses demandes des prétentions en matière d'heures supplémentaires accomplies non payées en contestant la validité de sa convention de forfait.
Comme toujours, l'employeur tente de faire croire qu'un cadre ne compte pas ses heures. L'arrêt arrive en cassation. Dans le cas présent, le pourvoi ne précise pas le montant auquel a été condamné l'employeur. Pas de doute cependant qu'il devait être conséquent au regard des éléments de fait rapportés : Monsieur Y... sollicite sur la période 2011 et 2012, un total de 912,33 heures supplémentaires. Pour étayer sa demande, il transmet un suivi de ses activités quotidiennes et multiples courriels envoyés de sa boîte professionnelle qui attestent des heures tardives auxquelles il était astreint. Il fait valoir que son temps hebdomadaire de travail oscillait entre 45 et 60 heures.
Bref, Monsieur Y comptait ses heures. D'où comme toujours le débat sur la preuve et sur les obligations qui incombent à l'employeur en la matière. Et c'est ici que la solution mérite d'être reproduite in extenso :
il incombe à l'employeur de rapporter la preuve qu'il a respecté les stipulations de l'accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis au régime du forfait en jours ; qu'ayant relevé qu'il n'était pas établi par l'employeur que, dans le cadre de l'exécution de la convention de forfait en jours, le salarié avait été soumis à un moment quelconque à un contrôle de sa charge de travail et de l'amplitude de son temps de travail, la cour d'appel, qui en a déduit que la convention de forfait en jours était sans effet, en sorte que le salarié était en droit de solliciter le règlement de ses heures supplémentaires a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision
Traduction :
- la convention de forfait est formellement valide - contrairement à l'arrêt que nous avions commenté précédemment, il n'est nullement question ici d'une non-conformité de l'accord collectif aux principes constitutionnels du droit au repos et du droit à la santé ;
- pour autant, même si cette convention est formellement valide, faute pour l'employeur de démontrer que l'employeur a d'une manière ou d'une autre assuré un contrôle d'une part de la charge de travail et d'autre part de l'amplitude de son temps de travail, cette convention n'a pas d'effet ;
- conséquence : le salarié est en droit de solliciter le paiement de ses heures supplémentaires.
Bref, après avoir imposé à l'employeur de s'assurer du respect des durées légales, la Cour de cassation lui impose de s'assurer de la corrélation entre charge de travail et temps de travail. Cet arrêt prolonge ainsi celui largement médiatisé dans lequel les juges ont estimé que l'employeur doit payer les heures supplémentaires à son salarié à partir du moment où elles sont nécessaires à l'accomplissement des tâches demandées.
En somme, il n'est pas possible d'envisager l'exécution d'une prestation de travail sans s'interroger sur le temps nécessaire dont doit disposer un salarié pour pouvoir l'exécuter.
D'où l'intérêt de bien mesurer le temps passé sur son lieu de travail !