Le Conseil d'Etat, dans une décision récente (ordonnance référé 1er juin 2017, n° 41091913), a rappelé la nécessité d’une déontologie particulière des anciens magistrats et notamment des anciens chefs de juridiction devenus avocats. En effet, la charte de déontologie de la juridiction administrative (article 16 dernier alinéa) adoptée le 14 mars 2017, prévoit au titre des « bonnes pratiques » destinées à garantir les principes fondamentaux d’indépendance et d’impartialité des membres de la juridiction administrative, qu’il convient, pour les anciens chefs de juridiction devenus avocats, de s’abstenir de présenter des requêtes ou mémoires ou de paraitre à l’audience devant la juridiction qu’ils ont présidée et ce pendant une durée de 10 ans à compter de la fin de leur présidence de la juridiction.
Le requérant, ancien président d’une juridiction et nouvel avocat au barreau de la même ville, a soutenu que cette charte de bonne pratique entravait sa liberté d’entreprendre et méconnaissait le principe du libre choix de l’avocat.
Il a donc introduit une requête en urgence aux fins d’obtenir la suspension de l’exécution de la décision par laquelle le vice-président du Conseil d'Etat avait adopté la charte de déontologie de la juridiction administrative.
Le Conseil d'Etat – en référé – a considéré qu’il n’y avait pas une situation d’urgence.
La requêté est rejetée.
Le problème, sur le fond, reste entier.
Le principe n’est pas choquant. Il est normal qu’un ancien président, un ancien juge, ne puisse, s’inscrivant – après ses fonctions – dans le barreau de la même ville, présenter immédiatement des requêtes, des mémoires et paraitre à l’audience. Son passé de chef de juridiction pourrait influencer ses anciens collègues.
Néanmoins, un délai de 10 ans semble extraordinaire. Si on considère que les magistrats administratifs terminent leur carrière – comme chefs de juridiction – au-delà de 60 ans voire 65 ans, cela signifierait que le magistrat ne pourrait se présenter devant la juridiction qu’il a présidé qu’à partir de 75 ans… C’est le condamner à ne jamais introduire de requête devant cette juridiction.
Cela semble sévère dans la durée mais non dans le principe.
Michel BENICHOU