La loi du 31 décembre 1971 (article 9) prévoit que « l’avocat régulièrement commis d’office par le Bâtonnier ou le Président de la Cour d’Assises, ne peut refuser son ministère sans faire approuver ses motifs d’excuses ou d’empêchement par le Bâtonnier ou par le Président ».
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Il s’agit donc d’un contrôle des motifs qu’un avocat met en exergue pour refuser la défense d’un client.
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Un avocat se trouve dans la situation d’être poursuivi devant le Conseil Régional de discipline des avocats sur poursuites engagées par une Procureure générale pour faute disciplinaire parce qu’il a refusé d’être commis d’office par le Président de la Cour d’Assises. Cet avocat intervenait pour un accusé. Un conflit très violent a opposé les avocats à l’avocat général. Compte-tenu de la tension existante, le Bâtonnier en exercice (en 2013) a enjoint ses confrères de ne pas plaider. L’accusé n’a donc plus d’avocat. Le Président de la Cour d’Assises utilise l’article 9 et désigne d’office le représentant du Bâtonnier mais l’affaire est renvoyée. On ne tient nullement compte des disponibilités des deux avocats de l’accusé (des ténors) et l’affaire est fixée devant la même Cour d’Assises avec une composition identique. Fin du premier épisode.
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Le dépôt d’une requête en dépaysement ne rencontre aucun succès et le procès débute.
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Les avocats annoncent qu’ils vont déposer une requête en récusation. Le conflit reprend de plus belle. Les avocats se retirent. L’un d’entre eux est commis d’office et refuse au motif que la Cour manque d’impartialité et porte atteinte aux droits de la défense. Fin du second épisode.
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Il est donc poursuivi par la Procureure Générale. La question est de savoir si un Président de Cour d’Assises peut être le juge de la clause de conscience de l’avocat et si celui-ci doit faire « approuver » ses motifs d’excuse.
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Selon moi, c’est impossible. En effet, il s’agirait d’une violation du secret professionnel. Lorsque l’avocat refuse d’être commis d’office, il est possible qu’il l’ait fait en considérant des confidences obtenues du client ou des informations qu’il a pu avoir par le dossier ou des personnes extérieures.
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On ne peut obliger un avocat à violer le secret professionnel et ainsi à commettre une infraction pénale et une faute déontologique. De surcroit, imaginons que cet avocat viole le secret professionnel et donne au Président de la Cour d’Assises les motifs de son refus, motifs issus de confidences du client. Il a placé le Président de la Cour d’Assises dans une situation de recel de violation du secret professionnel et, de surcroit, ledit Président ne pourra continuer à présider la session de la Cour d’Assises car il ne pourra plus être considéré comme impartial.
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Les avocats de notre confrère poursuivi ont introduit une QPC – Question Prioritaire de Constitutionnalité – aux fins, qu’après le filtre de la Cour de Cassation, le Conseil Constitutionnel soit saisi. La Cour de Cassation devrait statuer dans un délai de trois mois. L’enjeu du dossier est l’indépendance de l’avocat.
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Le Bureau de la Conférence des Bâtonniers a décidé de soutenir cette question prioritaire de constitutionnalité essentielle pour notre profession.
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Suite prochainement…
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Michel BENICHOU