La Cour Européenne des Droits de l’Homme vient de rendre (C.E.D.H. 5ème section, 5 octobre 2017, n° 22059/08, KALEJA c/ LETTONIE) un arrêt intéressant.
Une ressortissante lettone, comptable, travaillant pour une société administratrice de biens, est entendue dans le cadre d’une procédure et on lui indique qu’elle a un statut de témoin. En Lettonie, cela signifie qu’elle dispose de certains droits dont celui de ne pas témoigner contre elle-même mais qu’elle n’a pas le droit à l’assistance d’un avocat.
Or, elle fût inculpée formellement pour 19 actes de détournement de fonds. On lui fait interdiction de changer de lieu de résidence et elle fût informée de son droit à un avocat. Elle ne demanda pas sa présence et fût interrogée plusieurs fois sans être assistée d’un avocat. A l’issue de la procédure interne, elle saisit la Cour Européenne des Droits de l’Homme en se plaignant de la durée de la procédure (plus de 9 années) et des interrogatoires subis en tant que témoin la privant ainsi le droit d’être assisté par un avocat.
Le Cour Européenne des Droits de l’Homme, au vu du dossier, constate que la police l’a considérée, dès l’origine, comme suspecte. Néanmoins, on lui a laissé le statut procédural de témoin. L’enquête préliminaire va durer 7 années alors même que l’affaire n’était pas particulièrement complexe ou ne concernait pas de nombreux témoins ou co-accusés.
En fait, cette durée s’expliquait parce que le Parquet avait identifié de graves défaillances entachant l’enquête et avait renvoyé l’affaire à la police à trois reprises pour complément d’enquête.
Cette défaillance n’était pas du fait de la requérante. Dès lors, la conclusion de la Cour Européenne des Droits de l’Homme est évidente : la durée de la procédure était excessive et il y a eu violation de l’article 6 § 1er.
Mais le plus important concernait l’absence d’assistance d’un avocat. La Cour a relevé certains faits. Ainsi, la requérante a maintenu les mêmes arguments en défense durant toute la procédure. Elle n’a pas été détenue. Elle n’a pas été empêchée de demander si elle le souhaitait l’assistance d’un avocat. Elle a eu la possibilité de contester les éléments à charge au cours de l’enquête préliminaire et du procès, … Enfin, dès le moment où elle a été officiellement inculpée, elle a eu un avocat. Toutefois, elle n’a même pas demandé à ce qu’un avocat soit présent lors des interrogatoires ultérieurs à son inculpation.
Dès lors, la Cour considère que « bien qu’il ait été regrettable que la requérante n’ait pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat au cours de la phase préalable au procès », cela n’a pas porté une atteinte irrémédiable à l’équité globale de la procédure pénale. Elle rejette la requête sur le fondement de l’article 6 § 1 et 3.
Il s’agit néanmoins d’un enseignement. En effet, si les circonstances avaient été différentes et si une atteinte irrémédiable avait été portée à l’équité globale de la procédure, alors il y aurait eu violation de l’article 6 et la Cour aurait considéré que, au stade de l’enquête préliminaire alors même que la requérante n’était considérée que comme « témoin », elle devait avoir accès à un avocat.
Michel BENICHOU