Une avocate algérienne, titulaire d’un CAPA délivré en Algérie, inscrite au Barreau d’Alger, sollicitait son inscription auprès d’un barreau français. Elle fondait sa demande sur l’article 15 alinéa 3 du Protocole judiciaire franco-algérien du 28 aout 1962 notamment. Le barreau concerné a rejeté sa demande. L’avocate a fait appel et cette affaire est venue devant la Cour d'Appel de VERSAILLES qui a rendu un appel le 22 décembre 2017 (RG 17/05707).
L’article 15 alinéa 3 du Protocole franco-algérien du 28 aout 1962 est ainsi rédigé :
« A titre de réciprocité, les citoyens de chacun des deux pays pourront demander leur inscription à un barreau de l’autre pays, sous réserve de satisfaire aux conditions légales requises pour ladite inscription dans le pays où l’inscription est demandée. Ils peuvent avoir accès à toutes les fonctions dans les organismes professionnels dans le cadre de la législation en vigueur dans chacun des deux pays. »
Conformément à l’article 55 de la Constitution, ce protocole a une valeur supérieure à celle des lois et règlements. Il est applicable. Il restait à définir les conditions légales requises pour l’inscription de l’avocate algérienne.
Or, ces conditions légales sont prévues dans le protocole. Elles ne remettent pas en cause le principe de la réciprocité. Dès lors, une loi interne, même postérieure au protocole, peut subordonner l’inscription à une condition. L’article 11 de la loi du 31 décembre 1971 impose à un avocat ressortissant d’un pays non-membre de l’Union Européenne, de subir des épreuves de contrôle des connaissances en droit français s’il n’est pas titulaire du CAPA (CAPA français naturellement, une loi française ne pouvant règlementer un CAPA étranger).
Il n’existe aucune équivalence légale entre le CAPA algérien et le CAPA français. Dès lors, la conclusion de la Cour d'Appel de VERSAILLES est claire. L’avocate algérienne ne remplissait pas les conditions permettant une inscription automatique. Elle devait donc se présenter au préalable à l’examen de contrôle des connaissance prévu par l’article 11 de la loi du 31 décembre 1971.
Il est possible qu’un pourvoi en cassation soit interjeté.
La Cour d'Appel de VERSAILLES, mais ce n’était pas le débat, n’a pas abordé la question de l’effectivité de la réciprocité entre les avocats français et les avocats algériens.
En effet, dans le cadre du protocole comme dans le cadre des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce, il faut que la réciprocité soit effective et que les avocats français puissent réellement pouvoir s’inscrire en Algérie. Le problème se pose dans tout le Maghreb et dans d’autres pays africains ou autres. On sait que les avocats français ne peuvent, en réalité, s’inscrire et que les conditions légales fixées par les autorités locales constituent des barrières infranchissables. A plusieurs reprises, les institutions françaises d’avocats ont interpellé les barreaux locaux concernant cette attitude sans avoir véritablement de réponse.
En conséquence, des avocats français exercent sous le titre de « conseils juridiques » dans ces barreaux. De ce fait, lesdits barreaux considèrent qu’il y a une concurrence déloyale puisque lesdits « conseils juridiques » n’ont pas à respecter les règles déontologiques. Ils peuvent donc faire de la publicité, voire du démarchage. C’est la fable de « L’arroseur arrosé ».
Michel BENICHOU