Le vendredi 10 mars 2017, je me suis rendu – avec une délégation du C.C.B.E et du DAV – sur l’île de LESBOS et nous sommes allés au camp de MORIA pour constater les conditions dans lesquelles les migrants étaient reçus et l’intervention des avocats européens. Actuellement, il y a 2.200 migrants à MORIA et il en arrive environ 100 chaque semaine. Avant l’accord signé avec la Turquie, il avait près de 5.000 migrants et le nombre de migrants arrivant chaque jour était d’une centaine. Les bateaux accostaient sur toute l’île en permanence.
Les migrants restent à MORIA entre 6 et 11 mois. Il s’agit d’un camp de rétention mais aucun cas, ils ne sont détenus. Ils peuvent ainsi sortir du camp ou même quitter le camp. Toutefois, les autorités grecques, aidées par l’aide européenne, leur assurent la nourriture, un logement (une tente ou un container). Ils ont sur place un hôpital et même quelques loisirs. Les migrants se sont regroupés en villages par nationalité. Dès qu’il y a plus de 50 personnes de la même nationalité, ils peuvent élire un représentant et chaque vendredi une réunion a lieu avec tous les représentants et le directeur du camp ainsi que le chef du service de sécurité que j’ai pu rencontrer.
Actuellement, il y a 34 nationalités présentent dans le camp. J’ai pu discuter avec des pakistanais, des afghans, mais 85 % des arrivants viennent de l’Afrique francophone et notamment du Congo. Sur place, de nombreuses organisations non-gouvernementales interviennent dans tous les domaines (santé, alimentation, éducation, …). Le directeur du camp et le chef de sécurité font preuve d’humanité et d’organisation. Le chef de la sécurité a indiqué que l’organisation était fondée sur deux piliers : la tolérance zéro concernant les délits et crimes mais également la communication avec les migrants pour expliquer la situation et essayer de comprendre leurs besoins. 120 policiers sont à l’intérieur du camp. Il y a également des policiers à l’extérieur du camp mais qui ne dépendent pas de ce chef de la sécurité mais directement le ministère de l’intérieur. Les autorités grecques, qui vivent une crise économique inimaginable, font leur possible.
J’ai pu rencontrer les volontaires présents (deux allemands, un hollandais, une belge et deux français). Une avocate française vient de Marseille et l’autre avocat vient de Strasbourg. Leur travail est absolument admirable. Avec deux coordinateurs (un britannique et une grecque), ils reçoivent chaque jour des dizaines de migrants. J’ai pu constater la queue des migrants devant le container marqué par le sigle « European Lawers in Lesbos ». Ils sont équipés de gilets avec ce sigle. Ils ont créé des documents spécifiques pour aider les migrants à préparer l’entretien et rassembler tous les documents nécessaires. Leur dévouement est sans bornes et les journées de travail dépassent largement les 8 heures.
Il est important qu’il y ait des avocats francophones puisqu’actuellement la masse des migrants arrivant vient de l’Afrique francophone. C’est donc un projet admirable et un travail considérable qui est fait par les avocats. Cela démontre que l’aide juridique fait partie de l’aide humanitaire. Mais ce projet est menacé. En effet, les fonds commencent à manquer et il est probable qu’en octobre 2017 le budget sera épuisé. Il serait dommage que les migrants soient privés de toutes informations juridiques leur permettant de préparer leur futur et soient abandonnés après cette période d’aide juridique. L’Union Européenne ne répond pas aux demandes financières du C.C.B.E.. Il faut espérer que des fonds soient trouvés soit par des organismes extérieurs, soit par des barreaux pour continuer cette œuvre. Cela correspond totalement à l’idée énoncée par Francis SCOTT FITZGERALD : « il faut voir le monde tel qu’il est et vouloir le changer quand même ».
Michel BENICHOU