Il ne s’agit pas, naturellement, ni des avocats, ni, à fortiori, des notaires français. Cette grève se déroule au Québec et il s’agit des avocats et notaires salariés de la fonction publique québécoise.
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Les 1.100 avocats et notaires répartis dans l’ensemble des ministères et organismes du Gouvernement du Québec sont en grève depuis le 24 octobre 2016. Ils avaient constitué un fonds de grève pour soutenir financièrement les grévistes. Celui-ci est épuisé. Les négociations ont été extrêmement compliquées avec le Gouvernement Couillard, Gouvernement actuel du Québec et notamment avec le Président du Conseil du trésor et la Ministre de la Justice.
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Il semble que les revendications portaient :
- Sur la question des salaires et de leur hausse,
- Sur le statut professionnel des juristes de l’Etat,
- Sur la reconnaissance du statut de l’indépendance des juristes,
- Sur la parité salariale des juristes avec les procureurs de la Couronne.
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Finalement, ne pouvant trouver une solution négociée, le Gouvernement a déposé un projet de loi imposant un retour au travail forcé pour le 1er mars 2017. Ce projet prévoit néanmoins une hausse des salaires, limite la période de négociation, prévoit la possibilité de nomination d’un médiateur. Sur toutes les autres revendications, il reste silencieux. Immédiatement, les juristes d’Etat ont décidé de porter la question de la constitutionnalité de cette loi devant la Cour Supérieure du Québec et d’engager des poursuites en dommages-intérêts contre le Gouvernement pour négociations de mauvaise foi.
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La question essentielle semble bien celle de l’indépendance de la fonction. Ce débat est intéressant pour les avocats français. En effet, nous sommes toujours au prise avec la question des avocats-salariés en entreprise. Souvent, les partisans de cette solution mettent en exergue le cas québécois et « l’indépendance » des juristes salariés. On voit, par cet exemple, que ce n’est pas aussi simple. Les avocats et notaires québécois se plaignent, justement, de l’absence d’indépendance et de l’absence d’égalité entre les procureurs de la Couronne et les avocats.
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En Europe, il existe de nombreux cas d’avocats-salariés en entreprise. Toutefois, la Cour de Justice de l’Union Européenne, dans une série d’arrêts, a considéré comme irrecevables les recours engagés par ces avocats-salariés d’entreprise pour le compte de leur entreprise en considérant qu’ils n’avaient aucune indépendance à l’égard de leur employeur et ce quelque soit leur place dans la hiérarchie.
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Ce conflit renforce donc ceux qui s’opposent à ce statut salarié de l’avocat en entreprise au nom de l’indispensable indépendance. En effet, si on peut résumer la déontologie, c’est-à -dire la règle de survie des avocats, cela passe par l’indépendance, le maintien du secret professionnel et la prévention des conflits d’intérêts.
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Michel BENICHOU