Cette situation ubuesque n’est pas prévue pour la France ou même l’Union Européenne mais au Maroc. En effet, le ministère de la Justice a décidé d’imposer l’enregistrement audiovisuel des séances de signature des actes juridiques dans les cabinets d’avocats et chez les notaires.
Ces caméras serviront à enregistrer toutes les transactions contractuelles et les signatures des actes. Les réactions sont vives de la part des notaires et des avocats qui ne comprennent pas cette décision. De surcroit, les avocats ont rappelé que, souvent, les contrats se signent chez le client, dans son entreprise par exemple, et qu’il était impossible de se faire accompagner, à chaque reprise, d’un caméraman ! En fait, il semble que, par ce système d’enregistrement, le Ministère de la Justice et des autorités judiciaires souhaitent identifier les parties au contrat. Toutefois, cela ne protège en rien la sécurité du contrat. Il peut toujours avoir une partie qui présente une carte d’identité falsifiée par exemple.
Cela va accroitre la responsabilité des avocats et des notaires et générer des coûts importants quant à l’équipement des cabinets et études en matériel d’enregistrement audiovisuel.
On sait, qu’au Maroc, il y a eu un certain nombre de spoliations de biens. Les étrangers, et en particulier des français, ont été trompés par de prétendus vendeurs de biens immobiliers. Des contrats en bonne et due forme ont été signés chez des notaires et ont été enregistrés auprès de l’administration fiscale. Les acheteurs – étrangers pour la plupart – ont donc payé le prix de vente, les frais du notaire et les frais d’enregistrement auprès de l’administration fiscale alors même qu’ils n’achetaient strictement rien puisque le bien appartenait, dans la plupart des cas, à un tiers.
Des plaintes qui ont été déposées devant les juridictions françaises et n’ont abouti à rien puisque le Maroc avait dénoncé la Convention franco-marocaine d’entraide judiciaire. De surcroit, les investigations ont été impossibles. Lorsque les français se sont adressés aux juridictions marocaines, avec des avocats marocains, dans la plupart des cas, ils n’ont jamais pu obtenir gain de cause. Certains « agents immobiliers » étaient en fuite. Quant aux notaires, signataires, garants de la sécurité juridique, ils n’ont jamais été inquiétés ni sur le plan pénal, ni sur le plan civil au Maroc.
S’agit-il, pour le ministère de la Justice marocain, de donner des gages aux étrangers en mettant en place ce système d’enregistrement aux fins de démontrer qu’il entend assurer la sécurité juridique des contrats ?
Il est certain que ces affaires à répétition ont entrainé une mauvaise réputation pour les autorités marocaines quant à la fiabilité des ventes immobilières et que cela a amené différents acheteurs potentiels, à se retourner vers d’autres pays, comme le Portugal.
Michel BENICHOU