CEDH ET INDEPENDANCE DE L’AVOCAT

Publié le Modifié le 20/02/2019 Vu 1 639 fois 0
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La Cour Européenne vient de rendre un arrêt le 22 janvier 2019 concernant la désignation d’un avocat d’office et la violation du principe du contradictoire. A l’origine, il s’agit d’une affaire civile assez banale puisqu’il est question d’un bail conclu en Suisse, par deux personnes de nationalité mexicaine (Monsieur RIVERA VAZQUEZ et Monsieur CALLEJA DEL SORDO). Un procès fût porté devant le tribunal des baux et loyers puis devant la chambre des baux et loyers de la cour de justice du canton de GENEVE. Les requérants ont été déboutés de toutes leurs demandes. Ils ont été contraints de libérer les locaux loués. A la suite de cette décision ils ont introduit un recours devant le tribunal fédéral et avaient désigné un avocat pour les représenter devant la juridiction. Il avait déjà plaidé pour eux devant la Cour. Le tribunal fédéral leur a donné partiellement gain de cause et a estimé justifié de répartir les frais et dépens par moitié entre les parties. Le tribunal a ajouté : « les recourants n’étant toutefois pas valablement représentés ils ne sauraient se voir allouer des dépens ». En effet, le tribunal fédéral a rappelé qu’en vertu de l’article 40 alinéa 1er du LTF (Loi Tribunal Fédéral) seuls les avocats autorisés à pratiquer la représentation de justice (c’est-à-dire inscrits au registre du canton, avec une adresse professionnelle …) peuvent représenter les parties. Le tribunal a ajouté qu’il fallait être indépendant et que les avocats employés par une association de défense des locataires sont empêchés de représenter les membres de leurs employeurs dans les procédures où s’applique le monopole des avocats. L’avocat désigné était un avocat salarié d’une association. Il n’était pas indépendant. Il ne pouvait, selon le tribunal fédéral, représenter les requérants. Le tribunal a ajouté « l’avocat ne satisfait pas l’exigence légale d’indépendance car il ne peut guère conseiller les recourants dans un sens différent de celui voulu par son employeur ; l’avocat ne saurait accepter un mandat de la part des clients de son employeur ».

 

La CEDH a relevé que cet avocat avait déjà plaidé une dizaine de fois devant le tribunal fédéral sans que jamais on ne soulève une quelconque incapacité. Elle a rappelé que le juge devait respecter le principe du contradictoire notamment lorsqu’il tranchait un litige sur la base d’un motif invoqué d’office ou d’une exception soulevée d’office. Le droit à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu. Mais, l’élément déterminant est la question de savoir si une partie a été prise au dépourvu par le fait que le tribunal a fondé sa décision sur un motif invoqué d’office. La Cour a rappelé que le principe du contradictoire et celui de l’égalité des armes sont étroitement liés entre eux. Ce sont des éléments fondamentaux de la notion de « procès équitable » au sens de l’article 6 paragraphe 1er de la convention. Ils exigent un « juste équilibre » entre les parties : chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la place pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires. Or, en l’espèce la Cour a considéré que la décision du tribunal fédéral concluant à l’absence de représentation valable des requérants et les condamnant à indemniser la partie adverse est intervenue en dernière instance et qu’une atteinte avait été portée au droit des requérants à un procès équitable. Il y a donc violation de l’article 6 paragraphe 1er et il a été octroyé aux requérants 2.334 euros au titre du préjudice matériel pour la violation constatée (c’est exactement la somme à laquelle ils avaient été condamnés à verser à la partie adverse par le tribunal fédéral). Ils ont également obtenu 7.000 euros pour la procédure devant la Cour.

 

Ce principe du contradictoire est rappelé, fréquemment, par la Cour Européenne. La notion de « juste équilibre » entre les parties devrait être rappelé plus souvent devant les juridictions pénales.

 

Enfin, la question de l’indépendance de l’avocat, salarié d’une association comme en l’espèce ou d’une entreprise comme cela existe dans certains pays, est de nouveau posée comme principe fondamental. L’avocat salarié d’une entreprise ou d’une association n’est pas indépendant et ne doit pas être considéré comme un avocat pouvant intervenir devant une juridiction. La Cour de justice l’Union Européenne l’a rappelé à plusieurs reprises. La CEDH abonde en ce sens.

 

Michel BENICHOU

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Michel BENICHOU

Avocat depuis 1978 :

 

- Ancien Président du conseil des Barreaux d'Europe

- Ancien Bâtonnier du Barreau de Grenoble

- Président fondateur de la Fédération Nationale des Centres de Médiation

- Ancien membre du conseil de l'Ordre des Avocats de Grenoble

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