Certaines collectivités territoriales (mairie, département, région) avaient introduit dans leurs marchés, et en particulier dans le cahier des clauses administratives particulières (CCAP), des clauses dites « Molière ». Il s’agissait d’imposer l’utilisation de la langue française sur les chantiers. L’objectif poursuivi par cette clause était d’exclure le recours aux travailleurs détachés. C’était une discrimination condamnée tant par le droit national que par le droit de l’Union Européenne.
Les mêmes collectivités territoriales, constatant l’opposition des juridictions administratives, ont donc inventé la clause « Tartuffe » autrement appelée « clause d’interprétariat ». Il s’agit d’une clause prévoyant certaines obligations à la charge du titulaire en matière d’interprétariat. On abandonne toutes références à l’exigence d’une maitrise de la langue française mais on oblige l’intervention d’un interprète lorsque l’utilisation de la langue française est défaillante.
Le Préfet de la Loire-Atlantique a attaqué la validité de cette clause devant le Tribunal Administratif de NANTES. Il a tenté un référé précontractuel. Ce fût un rejet. Le Ministre de l’Intérieur a donc saisi donc le Conseil d'Etat qui va statuer par un arrêt du 4 décembre 2017 (n° 413366). C’est un renversement de tendance. Le Conseil d'Etat estime que cette clause n’est pas discriminatoire et ne constitue pas une entrave à la libre circulation. Il considère que « nécessairement appliquée de manière raisonnable par le maitre d’ouvrage pour ne pas occasionner des coûts excessifs au titulaire du marché » elle vise à permettre de s’assurer que chaque travailleur directement concerné par l’exécution de tâches risquées sur le chantier, est en mesure de réaliser celles-ci dans des conditions de sécurité suffisantes.
Il faut donc, pour bien travailler et être en sécurité, soit parler français, soit avoir à ses côtés un interprète. Il s’agit de contourner l’interdiction de la clause « Molière ». Mais, la présence d’interprètes va renforcer le coût du marché et va écarter, nécessairement, l’utilisation de travailleurs détachés ou de travailleurs étrangers.
Il est évident que cette clause porte atteinte à la liberté de circulation des travailleurs. Cette clause ne serait pas disproportionnée si elle est appliquée de manière « raisonnable ». On attend donc un contentieux sur la définition de ce qui est raisonnable.
Ce sera une décision populaire auprès de certains élus. Ce sera peut être jugé comme une décision populiste.
Michel BENICHOU