Notre confrère, Franck BERTON, et l’Ordre des avocats du Barreau de Lille avaient posé une question prioritaire de constitutionnalité, à laquelle s’était joint le C.N.B. et différents autres Ordres, concernant la constitutionnalité de l’article 9 de la loi du 31 décembre 1971 en ce qu’il octroyait un pouvoir discrétionnaire au Président de la Cour pour apprécier des motifs d’excuses opposés par un avocat refusant d’être commis d’office. Les requérants indiquaient que cela portait atteinte « au libre choix de la défense et à l’indépendance de l’avocat », n’assurait pas l’impartialité du président dans un contexte « pouvant être conflictuel entre la défense et la juridiction » et pouvait obliger « l’avocat, pour faire valoir au juge ses motifs d’excuses ou d’empêchements, de révéler certains éléments couverts par le secret professionnel ». La question a été transmise au Conseil Constitutionnel par la Cour de Cassation le 7 février 2018 (cassation criminelle QPC 7 février 2018 n° 17-90025).
Le Conseil Constitutionnel, dans une décision du 4 mai 2018 (n° 2018-704QCP), a rejeté ces arguments. Il a fondé sa décision sur l’objectif de « bonne administration de la justice ainsi que les exigences qui s’attachent au respect des droits de la défense ». Concernant l’indépendance de l’avocat, l’argument est rejeté au motif que « si l’avocat est tenu d’assurer la défense de l’accusé tant qu’il n’a pas été relevé de sa mission par le président de la Cour d’Assises », « il exerce son ministère librement ». Dès lors, son serment lui interdit de révéler tout élément susceptible de nuire à la défense de l’accusé (et donc au secret professionnel). Quant au libre choix de l’accusé, le Conseil Constitutionnel estime qu’il est également garanti puisque « l’accusé peut, à tout moment, choisir un avocat ce qui rendra alors non-avenu la désignation effectuée par le président de la Cour d’Assises ». Concernant la méconnaissance du droit au recours juridictionnel effectif compte-tenu de l’impossibilité pour l’avocat d’exercer un recours contre la décision du président de la Cour d’Assises, le Conseil rejette l’argument en estimant que « la régularité de ce refus peut être contestée par l’accusé à l’occasion d’un pourvoi devant la Cour de Cassation et par l’avocat à l’occasion d’une éventuelle procédure disciplinaire ouverte contre son refus de déférer à la décision du président de la Cour d’Assises ». Enfin, naturellement, tout cela ne remet pas en cause « l’impartialité » du président de la Cour d’Assises…
Circulez, il n’y a rien à voir Rue de Montpensier.
Michel BENICHOU