Un avocat a conclu une convention d’honoraires avec deux clients avec un honoraire de résultat. Il était prévu qu’à « l’issue de la procédure, en cas de succès, il pourra être sollicité un complément d’honoraires en fonction du résultat obtenu ou du service rendu. Lorsque le résultat porte sur un intérêt pécuniaire, l’honoraire complémentaire sera de 15% hors taxe du profit réalisé ou/et des pertes évitées par la décision judiciaire rendue ».
Le procès est partiellement gagné puisque les demandeurs sollicitaient 75.000 euros de dommages-intérêts et qu’ils n’obtiennent que 5.000 euros de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et 2.000 euros pour des frais irrépétibles. L’économie est donc de 68.000 euros.
Néanmoins, les clients contestent les honoraires. Le Bâtonnier les taxe. Le Premier président saisi indique que « la notion de « succès » ne doit pas être laissée à l’appréciation discrétionnaire de l’avocat rédacteur de la convention d’honoraires. Le terme étant insuffisamment défini et ambigu, la convention doit s’interpréter contre celui qui a stipulé en faveur de celui qui a contracté l’obligation, en application de l’article 1162 du Code Civil ». Il estime que le jugement ne peut constituer un résultat heureux car ils ne sont pas parvenus au résultat souhaité qui aurait été non seulement le rejet des prétentions adverses, mais encore le succès de leurs demandes indemnitaires. Dès lors, il estime que la condition d’application d’un honoraire de résultat n’a pas été réalisé.
Une nouvelle fois, une décision rendue par le Premier président est totalement défavorable aux avocats.
La Cour de Cassation intervient. Elle rappelle que la convention d’honoraires avait défini le succès comme un profit réalisé ou des pertes évitées. Elle constate que l’avocat avait évité à ses clients la perte de 68.000 euros. Elle juge donc que le Premier président a dénaturé les termes clairs et précis de la convention et a violé l’article 1134 du Code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 applicable à la cause (Cassation civile 2ème chambre, 5 octobre 2017 n° 16-23.50).
Cette décision est intéressante car on voit, une nouvelle fois, une décision prise par un Premier président (ou son délégué) hostile aux avocats. L’économie réalisée n’était pas contestable. La convention évoquait « les pertes évitées ». Néanmoins, en dépit du caractère assez précis de la convention, le juge s’est octroyé le pouvoir de décider ce qui constituait ou non un succès. Il s’agit véritablement de reprendre un pouvoir discrétionnaire sur le montant des honoraires de l’avocat en dépit des conventions et quel que soit leur rédaction.
Une réflexion globale sur cette question de la taxation des honoraires d’avocat me parait indispensable.
Michel BENICHOU