Le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris (HCJP) présidé par le premier président honoraire de la Cour de Cassation, ancien membre du Conseil Constitutionnel, Monsieur Guy CANIVET, a publié un rapport comprenant différentes recommandations dont celle de la création à PARIS de chambres juridictionnelles spécialisées dans le traitement des contentieux internationaux en matière civile et commerciale (au sein des juridictions de première instance et des Cours d’Appel). Ce rapport recommande, notamment, de faire application – à Paris – de la Common Law et de donner aux justiciables la possibilité de traiter leurs affaires en anglais. Il s’agit, selon les propos de M. CANIVET développés dans un long article de « L’Observateur de Bruxelles », revue d’informations juridiques européenne des Barreaux français, éditée par la Délégation des barreaux de France n° 110 (octobre 2017), de « placer les juridictions commerciales françaises à un niveau de compétitivité international suffisant ».
Le BREXIT nous l’imposerait. Il faudrait offrir une alternative crédible aux juridictions de Londres pour le jugement des contentieux résultant des contrats financiers. Il s’agirait de créer des formations spécialisées au sein des juridictions civiles et commerciales pour le jugement et l’appel des contentieux spécifiques. Elles seraient composées de juges disposant, outre d’une qualification et d’une expérience technique renforcée, d’une compétence spécifique dans les droits étrangers usuellement appliqués dans les relations commerciales internationales, essentiellement la Common Law et pratiquant la langue de ce droit (l’anglais).
Le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris espère s’appuyer sur l’offre substantielle qu’offrent les 33 cabinets britanniques et les 16 cabinets américains installés à PARIS regroupant, à eux seuls, 2.600 avocats et dont l’activité représenterait un montant moyen annuel de 1.560 milliards de chiffre d’affaires. Il y ajoute l’activité des cabinets français ayant une dimension internationale (500 avocats ; chiffre d’affaires annuel moyen évalué à 300 millions d’euros).
On comprend donc que tout cela est une affaire d’argent. Certes, on abandonnerait, devant cette juridiction, l’usage du français. L’article 2 alinéa 1er de la Constitution pose le principe que « la langue de la République est le français » et les juridictions ont pris l’habitude de rendre des jugements en français puisqu’elles interviennent au nom du Peuple Français. Mais le Haut Comité considère, se fondant sur une jurisprudence du Conseil Constitutionnel qui semble limiter l’usage du français aux personnes morales de droit public et qui ne s’opposerait pas qu’avec l’accord de l’ensemble des parties, la juridiction puisse admettre des débats en langue étrangère. Il faudra donc qu’elle rende des jugements en langue anglaise.
Enfin, si la jurisprudence prévoit que les actes introductifs d’instance et les conclusions doivent être rédigés en français, cela ne serait pas pour cause de nullité. Rien ne s’opposerait à la tenue d’audiences en langue anglaise puisque « le juge n’est pas tenu de recourir à un interprète lorsqu’il connait la langue dans laquelle s’exprime les parties ».
La voie est donc ouverte. Les juridictions françaises – ou certaines – vont désormais appliquer la Common Law, débattre en anglais, juger en anglais. Le BREXIT nous a ouvert les yeux. Merci pour ce BREXIT !
Michel BENICHOU