Utilisons nos armes : la parole et le droit.
La parole doit nous permettre de dénoncer et de résister. Dénoncer les gouvernements et l’Union Européenne qui, en aucune façon, n’agissent sérieusement pour défendre les avocats. Jean-Marc AYRAULT, lors de la remise du Prix des Droits de l’Homme 2016 de la République Française, a affirmé que « le respect des Droits de l’Homme était un enjeu d’avenir ». Dans ce cas, on ne peut être qu’effrayer par l’impuissance globale des démocraties. Il est vrai qu’on ne peut, simultanément, dénoncer les atteintes aux Droits de l’Homme et vendre du matériel militaire ou d’autres produits en murmurant à l’oreille de ses dirigeants de « dictature ».
L’Europe est en train d’oublier ses valeurs fondamentales et sa boussole que constituent les Droits de l’Homme. On ne prend plus en considération que le flux des marchandises, des services et des capitaux et on oublie la liberté des hommes et des femmes.
Mais, n’utiliser que la dénonciation est insuffisant.
Il faut délivrer des « Prix des Droits de l’Homme » aux avocats. C’est rare et précieux. Cela apparait insignifiant mais parfois cela peut sauver la vie de certains avocats et notamment en Chine où cela leur assure une forme de protection du fait de cette notoriété soudaine.
Il faut multiplier les lettres adressées à l’Union Européenne, au service européen pour l’action extérieure (Fédérica MOGHERINI), au représentant spécial de l’Union Européenne pour les Droits de l’Homme (STAVROS LAMBRINIDIS, que le C.C.B.E a reçu pour la session plénière du mois décembre 2016), adresser des lettres à la Commission Européenne, au Parlement et à la représentation de l’Union Européenne auprès du pays concerné, à vos parlementaires ou aux amicales de parlementaires jumelées avec tel ou tel pays.
Il faut également adresser des lettres aux gouvernements concernés et à leurs dirigeants pour montrer que ces avocats ne sont pas oubliés. Il faut les relancer régulièrement.
Il faut participer au réseau « défense de la défense » que le C.C.B.E. a lancé aux fins d’améliorer les chances d’information et de coopération entre les différents acteurs, barreaux et organisations d’avocats actifs dans le soutien aux avocats en danger mais également organisations non-gouvernementales qui ne sont pas forcément des organisations d’avocats. D’autres organisations et barreaux se mobilisent et font un travail admirable (U.I.A., F.B.E, Observatoire International des Avocats en Danger, …).
Le Conseil des Barreaux Européens, sous ma présidence, a lancé deux projets :
une plateforme pour la protection des avocats (soit au niveau du Conseil de l’Europe, soit au niveau mondial avec le mécanisme PROTEC DEFENDERS.EU gérée par 12 O.N.G. des droits de l’Homme). Cette solutions va aboutir et sera semblable à la plateforme qui existe aux fins de renforcer la protection des journalistes.
Une convention relative à la profession d’avocat qui serait publiée par le Conseil de l’Europe. Il y a eu un accord favorable de la Commission des Droits de l’Homme qui va désigner une rapporteure. C’est une longue marche mais elle est indispensable car ce texte adopté au niveau du Conseil de l’Europe pourra être étendu au niveau mondial.
Une communauté comme celle des avocats ne peut vivre sans un dessein, sans objectifs, sans utopies. En bref, nous devons voir le monde tel qu’il est et vouloir le changer quand même.
Michel BENICHOU