On se souvient des paroles de Madame CHIAPPA s’insurgeant contre les propos tenus par un avocat définissant la stratégie de défense de son client. Elle avait jugé cela inacceptable et elle l’avait proclamé. Interrogée par différents journalistes, elle n’est pas revenue sur ses propos. D’ailleurs, ceux-ci n’ont été condamnés ni par le Premier Ministre, ni par le Président de la République. Seul le porte-parole du Gouvernement a estimé qu’un ministre n’avait pas à s’immiscer dans une affaire judiciaire. On comprend maintenant que ce « dérapage » avait l’agrément du Président de la République qui partage la même conception. On peut parler de mépris pour la défense.
En effet, le Président MACRON s’est rendu en Corse où il a tenu un discours d’une extrême fermeté, défendant les valeurs de la République et commémorant l’assassinat du Préfet Claude ERIGNAC.
Le garant de nos institutions et de la séparation des pouvoirs a déclaré, en son discours, : « …car ce qui s’est passé ici le 6 février 1998, ne se justifie pas, ne se plaide pas, ne s’explique pas, … ».
On ne peut qu’être d’accord avec l’absence de justification possible face à l’assassinat d’un préfet, représentant la République. En revanche pourquoi, une nouvelle fois, attaquer – de cette façon – les droits de la défense ? Cette fois, il n’y a pas d’improvisation et on peut penser que le discours du Président de la République a été murement réfléchi compte-tenu du contexte et du fait qu’il était prononcé, en public, en Corse, devant les représentants des nationalistes et de nombreuses personnes réunies. On savait ce discours scruté.
Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et intégrés dans le bloc de constitutionnalité ne semblent pas respectés. Les droits de la défense et la liberté d’expression de l’avocat en font partie.
Qu’a voulu dire le Président de la République ? Un prévenu, un accusé, un justiciable n’aurait pas le droit d’être assisté et défendu par l’avocat et celui-ci ne pourrait plaider ce que souhaite le client, en conformité avec notre serment ?
Notre conscience et les intérêts légitimes de notre client nous dictent le choix des moyens de la défense. Je ne rappellerai pas, ici, la phrase d’Albert NAUD « nous devons les défendre tous ».
Le Président de la République ne peut s’ériger en juge de ce qui « ne se plaide pas » ou ce qui se plaide !
Michel BENICHOU