Les élus constatent une recentralisation des pouvoirs. Le Décret n° 17-1845 du 29 décembre 2017 en est la démonstration exacte. Certes, on pourrait dire qu’il ne s’agit que d’une expérimentation sur deux ans à compter de la publication du décret dans certaines régions (Pays de la Loire, Bourgogne Franche Comté, Mayotte, départements du Lot - Bas Rhin – Haut Rhin et de la Creuse ainsi que Saint-Barthélemy et Saint-Martin).
Mais, le contenu de ce décret est assez étonnant. Le Préfet peut déroger à des normes arrêtées par l’administration de l’Etat et prendre des décisions non-règlementaires dans un certain nombre de matières (non négligeables : subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales, aménagement du territoire et politique de la ville, environnement, agriculture et forêt, construction, logements, urbanisme, emplois et activités économiques, protection et mise en valeur du patrimoine culturel, activités sportives, socio-éducatives et associatives). Il y a une forme d’encadrement de cette dérogation puisqu’il faut un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales. L’objectif serait d’alléger les démarches administratives et réduire les délais de procédures. Il faut que cela soit compatible avec les engagements européens et internationaux de la France (le préfet ne peut passer au-dessus des traités et des conventions internationales !). Enfin, naturellement, il ne doit pas porter atteinte aux intérêts de la Défense Nationale ou de la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il déroge.
C’est néanmoins assez terrifiant. En effet, quelle est la sécurité juridique de nos concitoyens ? Il y a un texte législatif ou règlementaire. On a le droit de penser que ce texte va s’appliquer et un préfet peut, sous la forme d’un arrêté motivé, publier au recueil des actes administratifs de la préfecture (lu régulièrement par l’ensemble des citoyens) déroger une norme arrêtée par l’administration de l’Etat.
Après l’hyper-inflation des textes législatifs et règlementaires, aurons-nous une inflation des actes dérogatoires pris par les préfets ?
Michel BENICHOU