TVA ET FACTURE DE SERVICES JURIDIQUES

Publié le Modifié le 06/02/2019 Vu 592 fois 0
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La Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie d’une affaire qui concerne tous les avocats et leurs clients.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie d’une affaire qui concerne tous les avocats et le

TVA ET FACTURE DE SERVICES JURIDIQUES

La Cour de Justice de l’Union Européenne a été saisie d’une affaire qui concerne tous les avocats et leurs clients. Un hôtelier portugais avait eu recours à une société d’avocats qui avait facturé des consultations juridiques. L’exploitant hôtelier a introduit ces factures dans sa comptabilité et demandé, naturellement, le remboursement de la TVA par compensation.

 

L’autorité fiscale a estimé qu’il n’avait pas le droit de déduire la TVA afférente en considérant que les descriptions figurant sur les factures étaient insuffisantes. Le fisc a estimé que ni les services, ni les quantités unitaires ou totales de ceux-ci n’étaient détaillés.

 

L’exploitant a présenté des documents annexes mais l’autorité fiscale a maintenu sa position. Le litige s’est développé et la juridiction a interrogé la Cour de Justice de l’Union Européenne sous la forme d’une question préjudicielle portant sur l’interprétation de :

 

l’article 226 de la Directive 2006/112/C.E. relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée,

l’article 178 de la même Directive.

 

Il s’agissait de savoir quels éléments devaient être portés sur ces factures de services juridiques et si les autorités fiscales avaient la possibilité de refuser la TVA pour la seule raison que l’assujetti détenait une facture qui ne remplissait pas les conditions requises par l’article 226 (alinéas 6 et 7) alors que le fisc disposait de toutes les informations nécessaires pour vérifier si les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit étaient satisfaites.

 

La Cour a répondu à ces deux questions. Sur l’application de l’article 226 et le fait que les factures comportaient seulement la mention « services juridiques depuis… jusqu’à aujourd’hui », la Cour a estimé que la notion de services juridiques couvrait un vaste ensemble de prestations dont certaines ne relevaient pas nécessairement de l’activité économique ( !). Elle a estimé que cela n’indiquait pas de manière détaillée la nature des services, que la mention était si générale qu’elle ne semblait pas faire apparaitre l’étendue des services rendus. Dès lors, elle a considéré que cette mention ne remplissait pas les conditions requises par l’article 226.6 de la Directive. La facture doit comporter la date à laquelle la prestation est effectuée ou achevée. Cette exigence permet de contrôler le fait générateur de la taxe et sa date ainsi que déterminer les dispositions fiscales applicables à ce moment.

 

Par ailleurs, pour la mention « services juridiques fournis jusqu’à aujourd’hui » sans précision de la date du départ de la période de fourniture desdits services, la Cour considère qu’une telle facture ne remplit pas les conditions requises par l’article 226.7 de la Directive.

 

Concernant le droit des assujettis de déduire la TVA, la Cour considère que l’assujetti doit avoir une facture (conforme à l’article 226 de la Directive) mais que la déduction doit être accordée si l’administration fiscale dispose des données nécessaires pour établir que les conditions matérielles sont satisfaites. Elle ne peut donc refuser le droit à la déduction de la TVA au seul motif que la facture ne remplit pas les conditions requises par les articles 226.6 et 226.7 de la Directive si elle dispose de toutes les données pour vérifier que les conditions de fond relatives à ce droit sont satisfaites. Dès lors, il faut tenir compte de toutes les informations incluses sur les factures et sur les documents annexes qui avaient été apportés par l’exploitant hôtelier pour vérifier le droit à la déduction.

 

C’est un arrêt du 15 septembre 2016 (BARLIS aff. C-516/14).

 

Quelles indications notées sur nos factures alors même que, par ailleurs, nous sommes soumis au secret professionnel ? La simple mention « services juridiques » ne suffira pas. Il faudra noter exactement la date de ces services juridiques. Cela pourra être la date de la prestation, de la consultation, de l’établissement de conclusions, de la plaidoirie.

 

Concernant un procès, l’indication de la nature de la prestation est assez facile (plaidoirie, conclusions, …). Qu’en est-il pour une consultation juridique ? En effet, indiquer l’objet de la consultation, c’est violer le secret professionnel. Le titre d’une consultation vous pouvez parfaitement comprendre l’objet des préoccupations du client.

 

Une nouvelle fois, le secret professionnel se heurte aux exigences de l’administration fiscale.

 

L’arbitre sera peut-être le client qui, comme en l’espèce, a fourni des documents complémentaires. Toutefois, le client ne peut pas nous relever du secret professionnel. C’est la différence entre ce secret absolu français et le secret professionnel appliqué aux avocats dans nombre d’autres pays (Allemagne notamment).

 

Faudra-t-il réfléchir à une évolution du secret professionnel en considérant que celui-ci appartient au client et non le protège en toutes circonstances ? Pour ma part, je n’y suis pas favorable. Cela constituerait une grave atteinte aux droits des clients qui, souvent, ne sont pas en mesure de prévoir les conséquences de cette levée du secret professionnel.

De surcroit, ils pourraient faire l’objet de pressions et certains pourraient considérer que le refus de lever le secret professionnel de leur avocat serait un aveu de culpabilité ou de responsabilité.

 

 

Michel BENICHOU

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Michel BENICHOU

Avocat depuis 1978 :

 

- Ancien Président du conseil des Barreaux d'Europe

- Ancien Bâtonnier du Barreau de Grenoble

- Président fondateur de la Fédération Nationale des Centres de Médiation

- Ancien membre du conseil de l'Ordre des Avocats de Grenoble

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