La jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne, de son côté, n’a pas défini précisément la notion d’indépendance.
La Cour de Justice de l’Union Européenne (C.J.U.E.) a cité directement, dans certains arrêts, le principe de l’indépendance de la profession d’avocat. Il s’agissait de questions liées au marché et à l’économie. Cela est conforme à la vocation de l’Union Européenne qui est de garantir les quatre libertés fondamentales (circulation des personnes, des capitaux, des biens et des services). Pour permettre la liberté de services en matière juridique, il faut que les avocats aient un socle commun sur le plan déontologique et que leur traitement, par les Etats, soit à peu près semblable.
La déontologie comporte l’obligation de prévenir les conflits d’intérêts, question liée à l’indépendance. C’est ainsi que la Cour de Justice a eu à trancher de la possibilité pour des fonctionnaires (employés à temps partiel) d’être parallèlement avocats.
L’ordre de PEROUSE avait radié deux avocats suite à l’entrée en vigueur, en 2003, en Italie, d’une loi qui étendait aux fonctionnaires à temps partiel l’incompatibilité de l’exercice de la profession d’avocat. Ceux-ci représentaient une dame JAKUBOWSKA. Celle-ci a alors déposé un mémoire demandant que ses avocats soient autorisés à continuer à la représenter en estimant que la loi italienne était incompatible avec le Traité C.E.. Suite à un renvoi préjudiciel (que le juge italien aime à pratiquer), la Cour a statué dans un arrêt du 2 décembre 2010 (C-225/09). Il a examiné l’article 8 de la Directive 98/5/C.E. sur le droit d’établissement des avocats et a estimé qu’il n’y avait pas de violation de cet article. La motivation est importante « en effet, l’absence de conflit d’intérêts est indispensable à l’exercice de la profession d’avocat et implique, notamment, que les avocats se trouvent dans une situation d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics et des autres opérateurs dont il convient qu’ils ne subissent aucune influence ». L’indépendance doit conduire à édicter des incompatibilités. Cela mériterait une réflexion nouvelle du Barreau français.
Au nom du même concept, la Cour de Justice a statué sur la règlementation hollandaise interdisant, à l’époque, à un avocat de nouer une collaboration avec des experts-comptables et des auditeurs. Dans l’arrêt WOUTERS (C309/99) du 19 février 2002, la C.J.C.E. considère que l’ordre professionnel des avocats « en tant qu’organe de régulation de la profession » peut adopter un règlement qui s’impose à tous ses membres et qu’il peut exister une certaine incompatibilité entre l’activité de conseil exercée par l’avocat et celle de contrôle exercée par l’expert-comptable qui n’est pas soumis à un secret professionnel comparable à celui de l’avocat. Dès lors, au nom de l’indépendance et de la règlementation nécessaire au bon exercice de la profession d’avocat, la collaboration intégrée entre avocats et experts-comptable peut être interdite.
C’était le principe de l’indépendance qui était posé avec les règles « d’organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité qui procurent la nécessaire garantie d’intégrité et d’expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice ».
Le législateur français, inspiré par M. MACRON alors ministre de l’Economie, aurait pu relire cet arrêt avant de décider d’une interprofessionnalité intégrée entre avocats, experts-comptable et autres.
Michel BENICHOU