Il n’y a pas d’exercice de la profession sans une garantie de l’indépendance de l’avocat. De même, il ne peut y avoir d’avocat indépendant sans un barreau dont l’indépendance est garantie et le barreau ne pourra conserver son indépendance si les avocats ne disposent des garanties suffisantes quant à leur liberté d’établissement et d’exercice.
C’est en Europe que l’on trouve les textes les plus précis quant aux garanties fournies à la profession. Ainsi, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe a adopté des résolutions et des recommandations ayant trait aux problèmes liés à la Justice et donc à la profession d’avocat. Cette recommandation fait référence à « l’accès effectif » de toute personne à des services juridiques fournis par des « avocats indépendants » (requête IV, 1). Elle rappelle que les avocats doivent pouvoir se regrouper dans des institutions autonomes et indépendantes des autorités publiques, du marché ou du public (requête V, 2). Mais cette liberté n’a pas toujours été protégée dans les Etats du Conseil de l’Europe. Ces textes sont appliqués par la Cour Européenne des Droits de l’Homme. On peut faire une revue exhaustive des garanties de l’indépendance des avocats énoncées par les juges. Je ne retiendrai donc que certains aspects.
La CEDH s’attache, au travers du respect des articles 6 et 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, à veiller à ce que, dans le cadre de l’exercice de son activité, l’avocat soit protégé. On ne traite donc pas, directement, de son indépendance mais de ces conséquences effectives. Les arrêts sont nombreux, condamnant les Etats pour la violation de l’article 8 pour mise en écoute des lignes téléphoniques d’un cabinet d’avocat (KOPP contre SUISSE, 25 mars 1998 ; PRUTEANU contre ROUMANIE, 3 février 2015), pour les perquisitions et saisies effectuées au cabinet ou au domicile d’un avocat (NIEMIETZ contre Allemagne, 16 décembre 1992 ; ANDRE et autres contre FRANCE, 24 juillet 2008 ; …). Les affaires pendantes devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme sont également nombreuses concernant des violations de la correspondance d’un avocat avec ses clients, la mise en place de mesures de surveillance secrètes concernant le cabinet d’avocat, l’extension des pouvoirs de collecte et de traitement des données personnelles confiées aux autorités de police, le droit au respect du domicile de l’avocat.
La Cour Européenne a également tranché (MICHAUD contre FRANCE, 6 décembre 2012) la question de l’obligation de délation des éventuelles activités de blanchiment menées par les clients de l’avocat. Elle a conclu à une absence de violation de l’article 8 de la Convention mais en motivant cette décision par le fait que la déclaration de soupçon ne portait pas une atteinte disproportionnée au secret professionnel de l’avocat puisque ceux-ci n’y étaient pas astreints lorsqu’ils exerçaient leur mission de défense des justiciables et que le bâtonnier constituait un filtre protecteur du secret professionnel. Ainsi, ils ont considéré que les ordres et notamment le bâtonnier constituaient des mécanismes de protection utiles à l’indépendance de l’avocat et au secret professionnel. L'interprétation de cet arrêt est toujours sujet à contestation. En France, le Ministère de l’Economie et des Finances continue de penser que le bâtonnier n’est qu’une « passoire » et que toutes les déclarations qu’il reçoit doivent automatiquement être transmises à TRACFIN.
La 4ème directive concernant le blanchiment n’a pas adopté ce point de vue. Malheureusement, dans de nombreux pays, la législation faisant du bâtonnier un filtre nécessaire n’a pas été adoptée. Cela n’est pas dû à la volonté des Etats. C’est une position adoptée par les ordres d’avocat. Leurs bâtonniers ont souhaité ne pas avoir de responsabilité supplémentaire. Cette forme de couardise est éloignée du principe de l’indépendance de l’avocat qu’il ne suffit pas d’affirmer mais qu’il convient de faire vivre.
Michel BENICHOU