La Cour Suprême est, en Espagne, la juridiction la plus importante. Récemment, elle a eu à connaitre d’un litige concernant les rapports entre les banques, leurs clients et l’Etat. Il s’agissait de savoir qui devait payer l’impôt sur les actes notariés liés à la signature d’un prêt immobilier, impôt qui n’est pas négligeable puisqu’il est compris entre 0,5 et 1,5% du montant de l’achat immobilier. Avant le 18 octobre 2018, c’était au client de régler cet impôt. Mais, à cette date, la Cour Suprême a décidé de renverser sa jurisprudence et a estimé que c’était aux banques d’assumer cet impôt.
La décision a été prise par cinq magistrats constituant une Chambre de la juridiction. Immédiatement, le marché a tangué. Les marchés boursiers ont sanctionné les banques qui ont perdu près de 7% de leur valeur boursière.
En effet, l’impact de ce revirement de jurisprudence était alors évalué par une agence de notation à
4 milliards d’euros. Les banques devaient en effet rembourser le trop payé par les clients depuis 2014 (les sommes précédentes étant prescrites).
De leur côté, les associations de consommateurs ont chiffré le risque à une somme comprise entre 6.500.000 à 8.000.000 € en considérant que certains consommateurs ne réclameraient rien aux banques. L’écart était immense. Le marché, quoi qu’il en soit, a réagi de façon exagérée comme c’est souvent le cas. Quoi qu’il en soit, le Ministre des Finances s’est alarmé et le Président du Tribunal Supremo a décidé de suspendre le verdict et de réunir la Chambre Plénière de la Cour Suprême pour reconsidérer la portée de ce changement radical de jurisprudence. Naturellement, on comprend quel était l’objectif du Président. Il l’a obtenu. Le verdict de la Chambre de l’Assemblée Plénière a été de revenir à la jurisprudence précédente et de faire payer les consommateurs.
Bizarre juridiction qui, sur le simple émoi des boursicoteurs, va décider de suspendre une décision déjà prise par cinq de ses membres pour revenir en Assemblée Plénière et décider de changer radicalement de position.
Cela porte une grave atteinte à l’indépendance des magistrats et surtout à la crédibilité de la justice qui a succombé du fait d’une simple alarme boursière.
Finalement, la situation va être réglée par une nouvelle législation, souhaitée par le Gouvernement. Les banques seront redevables à l’avenir de l’impôt mais vont le répercuter sur le client … en bref rien de changera !
Michel BENICHOU