Décidemment, le Conseil d’Etat transforme la fonction du juge administratif. Il ne s’agit plus de contrôler la légalité des permis de construire mais, en toute hypothèse, de tenter de sauver des permis. Par trois décisions rendues par les 6ème et 1ère chambres réunies le 28 avril 2017, des 10ème et 9ème chambres réunies le 19 juin 2017 et les 10ème et 9ème chambres réunies le 19 juin 2017, cette théorie s’impose. Cela renforce encore les dispositions de l’article L600-5-1 du Code de l’Urbanisme qui prévoit que : « le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entrainant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, sursoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ».
Dans la première affaire, la juridiction administrative de première instance avait écarté le permis de construire modificatif qui avait été versé aux débats après l’audience publique. Il s’agissait d’une note en délibéré. Qu’à cela ne tienne, le Conseil d’Etat valide le processus et estime que les juges du fond doivent rouvrir l’instruction du dossier pour trouver toute solution pour ne pas annuler le permis.
Dans la seconde espèce, on se passe même de l’initiative du titulaire du permis de construire initial pour la délivrance de ce permis de construire modificatif, et le Conseil d’Etat valide.
Enfin, dans la troisième espèce, on interdit à un requérant de contester par un nouveau recours la légalité du permis de construire modificatif délivré en application de l’article L600-5-1 du Code de l’Urbanisme. Le débat judiciaire doit être lié. Cette contestation doit être formée dans le cadre de l’instance ayant donné lieu à l’application de cet article.
Il serait intéressant que cette dernière décision soit soumise à la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Il s’agit, visiblement, d’une nouvelle restriction à l’accès à la justice. On s’interroge sur la fonction du Conseil d’Etat.
Michel BENICHOU