La Cour Européenne des Droits de l’Homme a souvent été perçue comme le véritable bouclier des avocats. Ainsi, en matière de secret professionnel, les décisions sont toujours pertinentes. Il en est de même en matière de confidentialité. Pour la liberté d’expression, la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’est souvent prononcée, y compris dans des affaires concernant la France (aff. MORICE) en considérant que la liberté de l’avocat était importante dans la critique des décisions de justice voire des magistrats.
La C.E.D.H. était de nouveau saisie, cette fois, par un avocat slovène qui se plaignait d’avoir été condamné à des amendes pour outrage à magistrat. Il avait critiqué des témoins experts au cours d’un procès d’un de ses clients, poursuivi pour meurtres. La question posée était l’appréciation de ses propos et les limites des critiques acceptables.
La Cour, dans un premier temps, replace les paroles dans leur contexte. Il s’agissait de propos dans la salle d’audience tenus en sa fonction d’avocat défendant un accusé auquel il était reproché trois meurtres. Les remarques étaient liées à des procédures et une plainte pour non-divulgation des résultats d’un test de détecteur de mensonges et des tentatives pour obtenir la nomination de nouveaux experts.
La Cour indique que les droits d’un client devaient être vigoureusement défendus. Or, les propos de l’avocat auraient été jugés méprisants par les juridictions internes d’où les amendes.
La Cour considère que les juridictions nationales slovènes, dans leur examen de l’affaire, n’ont pas replacé les propos de l’avocat dans le contexte et la forme dans lesquels ils ont été exprimés. Par ailleurs, la Cour reconnait qu’un avocat a le droit à la critique des experts, du procureur général, … La Cour qualifie les experts « d’assistants du tribunal ». Dès lors, ils devraient tolérer la critique de l’exercice de leurs fonctions.
La C.E.D.H. a estimé que les propos litigieux ne sauraient être interprétés comme des attaques personnelles gratuites et ne saurait avoir pour seule intention d’insulter les experts, le ministère ou le tribunal. Elle réaffirme que la liberté d’expression s’applique non seulement aux informations ou aux idées reçues favorablement ou considérer comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi à celles qui heurtent, choquent ou inquiètent. L’utilisation d’un ton caustique, dans les commentaires visant un juge, n’est pas incompatible avec les dispositions de l’article 10 de la Convention.
Dès lors, la C.E.D.H. estime que les juridictions internes n’ont pas fourni le motif pertinent et suffisant pour justifier la restriction de la liberté d’expression de l’avocat. Elles n’ont donc pas ménager le juste équilibre entre, d’une part, la nécessité de protéger l’autorité de pouvoir judiciaire et la réputation des participants à la procédure, et, d’autre part, la nécessité de protéger la liberté d’expression de l’avocat.
Dès lors, la Cour conclut à une violation de l’article 10 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (C.E.D.H. 4ème section, 16 janvier 2018 n° 40975/08, CEFERI c/ SLOVENIE).
Une nouvelle fois, la C.E.D.H. intervient pour rappeler le principe essentiel que constitue la liberté d’expression, dans le prétoire, de l’avocat.
Michel BENICHOU