La Cour Européenne des Droits de l’Homme a de nouveau statué par deux arrêts en janvier 2018 concernant des propos tenus par un avocat et jugés injurieux par un magistrat. Le premier arrêt est en date du 16 janvier 2018 (n° 40975/08, CEFERI c/ Slovénie). C’est l’histoire d’un avocat pénaliste slovène qui avait été condamné à deux reprises à des amendes pour outrage à magistrat et ce pour avoir notamment critiqué des témoins experts lors du procès d’un homme qu’il défendait. J’ai déjà abordé, en ce blog, cette affaire.
Le second arrêt est en date du 25 janvier 2018 et concerne un avocat français (Francis SZPINER). La Cour Européenne vient de juger que la sanction disciplinaire qui lui a été infligée pour avoir tenu des propos injurieux à l’égard de l’Avocat Général n’était pas… excessive. C’est la suite du procès dit du « gang des barbares ». Francis SZPINER intervenait comme avocat de la famille de la victime, Ilan Halimi. Il avait rappelé le passé collaborationniste du père de l’Avocat Général et l’avait traité de « traitre génétique ». Des poursuites disciplinaires avaient été engagées contre l’avocat.
Il a contesté ces éléments et a saisi devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui a constaté que l’avocat s’était vu infliger un avertissement.
Concernant les propos, la Cour considère que ceux-ci s’inscrivaient dans le cadre d’un débat d’intérêt général concernant le déroulement d’un procès dans une affaire médiatique et que les propos constituaient des jugements de valeur et non des déclarations de fait. Elle relevait néanmoins leur caractère excessif et injurieux ainsi que l’absence de base factuelle de la déclaration faite par l’avocat et diffusée par la presse.
L’indignation de l’avocat, selon la Cour, ne justifiait pas une réaction aussi violente et méprisante. Enfin, naturellement, Francis SZPINER a refusé d’exprimer tout regret (comme le lui avait demandé son Bâtonnier). De surcroit, les propos avaient été tenus hors du prétoire. Il s’agissait pas d’un moyen de défense, ni d’une information du public sur des dysfonctionnements éventuels.
La Cour estime donc que ce simple avertissement, n’ayant aucune répercussion sur l’activité professionnelle de l’avocat, ne peut être considéré comme excessif. Elle rejette donc la violation de l’article 10 de la Convention.
En bref, si vous devez tenir de tels propos, il faut le faire dans le cadre du prétoire et indiquer qu’il s’agit d’un des moyens de défense de votre client… mais ce n’est pas un conseil.
Michel BENICHOU