Le magistrat, Serge PORTELLI, siégeant à VERSAILLES, indiquait qu’en cas de victoire du Front National, il ne pourrait continuer sa mission et serait dans la désobéissance. Il est vrai que les leviers judiciaires à la disposition du Président de la République sont importants. S’il existe une indépendance sauvegardée à l’égard du pouvoir exécutif par la Constitution, la nomination des magistrats du Parquet demeure largement entre les mains du Ministre de la Justice. Ils sont placés sous son autorité hiérarchique. Enfin, ce n’est que par une loi (celle du 25 juillet 2013) qu’il a été supprimé le droit, pour le Garde des Sceaux, d’intervenir directement dans les dossiers individuels. Ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire.
Quelle serait l’attitude des magistrats, comme d’autres aux hauts fonctionnaires, en cas de victoire du Front National ?
L’obéissance est non seulement une obligation légale mais elle est ancrée dans les cultures. Nous avons, dans l’Histoire, un exemple. La culture de l’obéissance des fonctionnaires a servi le régime de Vichy. Il faut constamment rappeler qu’un seul magistrat, Paul DIDIER, a refusé de prêter serment au Maréchal PETAIN. Il a immédiatement été sanctionné et a reçu l’ordre, par ses supérieurs hiérarchiques, d’interrompre son activité professionnelle. Les autres magistrats ont donc prêté serment. On aurait pu penser qu’à l’issue de la guerre sa carrière eut atteint des sommets. Ce ne fut pas le cas et il a toujours été l’objet d’un ressentiment des autres magistrats, ceux qui avaient prêté serment et servi le régime de Vichy. Il faut dire que, comme globalement, l’épuration de la magistrature a été de peu d’ampleur. La participation aux juridictions d’exception ne fut pas obligatoirement sanctionnée. Les hauts magistrats de Chancellerie furent touchés mais pas systématiquement. En fait, les sanctions ont concerné des pratiques professionnelles caractérisées par le zèle, l’excès de sévérité contre les résistants ou la soumission aux allemands. Aucun magistrat n’a été sanctionné pour antisémitisme dans les jugements et notamment ceux concernant la spoliation des biens des juifs.
L’enseignement de cette période démontre que, contrairement au mythe, la magistrature n’est pas un corps neutre chargé de l’application des droits décidés ailleurs.
Michel BENICHOU