Le Parlement Européen vient d’adopter, le 24 octobre 2017, une résolution sur les mesures légitimes visant à protéger les lanceurs d’alerte qui divulguent, au nom de l’intérêt public, des informations confidentielles d’entreprises et d’organismes publics. Au terme d’une interminable série de considérants, il a voté cette résolution aux fins de définir le rôle des lanceurs d’alerte et la nécessité de les protéger. L’objectif est d’inviter la Commission à prendre des mesures supplémentaires, sur le plan légal, avant la fin de cette année, pour garantir un niveau élevé de protection des lanceurs d’alerte dans toute l’Union. Il s’agit d’assurer leur sécurité juridique. Pour la première fois, on évoque des sanctions contre les entreprises qui mettraient en œuvre des représailles à l’encontre des lanceurs d’alerte. Elles ne pourraient ni bénéficier de fonds européens, ni conclure de marchés avec l’administration publique.
Le Parlement donne une définition extensive du lanceur d’alerte : il entend par lanceur d’alerte toute personne qui signale ou révèle des informations d’intérêt général, y compris européen, concernant un acte illégal ou illicite, un acte qui constitue une menace ou un préjudice, qui menace ou lèse l’intérêt général, généralement, mais pas uniquement, dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou privé, dans le contexte d’une relation contractuelle ou dans celui de son activité syndicale ou associative; sont comprises les personnes qui sont étrangères à la relation traditionnelle employeur-salarié, telles que les consultants, contractants, stagiaires, bénévoles, étudiants, travailleurs temporaires et anciens salariés, qui détiennent la preuve de tels actes et ont des motifs raisonnables de croire que les informations divulguées sont véridiques.
De même, le Parlement va définir l’intérêt général qui comprendrait, sans le limiter, les faits de corruption, les infractions pénales, les violations des obligations juridiques, les erreurs judiciaires, les abus de pouvoir, les conflits d’intérêts, l’usage illicite de fonds publics, les détournements de pouvoir, les flux financiers illicites, les menaces pour l’environnement, la santé, la sécurité publique, la sécurité nationale et la protection de la vie privée et des données personnelles, l’évitement fiscal, les violations des droits des consommateurs, les atteintes aux droits des travailleurs et aux autres droits sociaux, les atteintes aux droits de l’homme, aux libertés fondamentales et à l’état de droit, ainsi que les actes visant à dissimuler toute atteinte de ce type.
Le Parlement réaffirme que l’intérêt public général doit primer sur le caractère privé ou la valeur économique des informations révélées. Les protections proposées sont importantes ainsi que les mesures d’accompagnement.
Le Conseil des Barreaux Européens avait publié, en mai 2017, un texte sur la protection des lanceurs d’alerte. Ce texte faisait suite à la consultation de la Commission Européenne sur ces pratiques. Le C.C.B.E. a eu pour objectif de rappeler les droits de tous les justiciables à la protection du secret professionnel dans leur relation avec les avocats en tant que pierre angulaire de l’Etat de droit. Il a rappelé que le secret professionnel ne devait jamais subir de préjudice. Le maintien de l’Etat de droit implique nécessairement que la confidentialité qui existe entre les avocats et leurs clients soit protégée. La première version de la résolution du Parlement Européen ne visait pas ce point. Heureusement, la dernière version, en son dispositif 18, rappelle la nécessité de protéger le secret professionnel. C’est une faible protection. On estime qu’il devrait être possible de divulguer des informations sur les menaces graves pour l’intérêt général même lorsqu’elles font l’objet d’une protection juridique mais on ajoute que des « procédures spéciales » devraient s’appliquer pour ces informations. La protection sera importante puisque les lanceurs d’alerte ne devraient pas être sujets à des poursuites pénales, civiles ou à des sanctions administratives ou disciplinaires du fait des signalements effectués.
Cette résolution a été adressée à la Commission. Il reste à savoir si celle-ci prendra l’initiative d’une disposition législative. On peut le penser puisque celle-ci, comme je le rappelais ci-dessus, avait diffusé une consultation publique.
Michel BENICHOU