Les faits sont relatés par la Cour Européenne des Droits de l’Homme en son arrêt du 29 juin 2017 (n° 33242/12). Une magistrate de TOULON voit sa communication téléphonique avec une personne connue des services de police enregistrée. Sa ligne faisait l’objet d’écoutes. Elle est convoquée par le Premier Président qui procède à son audition en l’informant de l’interception téléphonique. L’affaire remonte au Ministère, puis au Conseil Supérieur de la Magistrature qui prononce une interdiction temporaire d’exercer. Un an plus tard, le CSM prononce la sanction de mise à la retraite d’office de la magistrate. Elle multiplie les recours. Elle arrive enfin devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme et fait valoir qu’elle n’a pas bénéficié des garanties liées à son statut de magistrat et n’a pas été en mesure de faire contrôler la régularité de l’écoute téléphonique. Elle invoque, par ailleurs, l’article 8 de la Convention.
L’ingérence est évidente. Toutefois, est-elle « nécessaire dans une société démocratique » ? Telle était la question posée, finalement, à la C.E.D.H. ?
En premier lieu, la Cour va relever que l’interception téléphonique ne résultait pas de la mise sur écoute de la ligne de la magistrate mais de celle de son correspondant. Les garanties de procédure relatives au statut des magistrats ont été appliquées dès que son statut a été découvert. La Cour relève que la magistrate a été en mesure de s’expliquer sur la conversation téléphonique litigieuse devant le Premier Président de la Cour d'Appel, puis devant l’inspection générale des services judiciaires, puis devant un enquêteur et enfin devant le rapporteur désigné par le CSM.
La Cour relève que devant le CSM, à aucun moment, la magistrate n’avait soulevé la nullité de l’interception téléphonique et n’avait demandé à ce que la transcription soit écartée des débats. Finalement, la Cour après avoir examiné toutes les décisions rendues, le rejet de tous les moyens soulevés par la magistrate concernant la régularité de l’écoute téléphonique, conclut qu’il y a eu, dans les circonstances de l’espèce, un contrôle efficace, apte à limiter l’ingérence litigieuse à ce qui était nécessaire dans une société démocratique. Il n’y a donc pas eu violation des dispositions de l’article 8 de la Convention.
La particularité de ce dossier était que l’écoute de la magistrate était incidente. Elle a téléphoné à la mauvaise personne, au mauvais moment.
Michel BENICHOU