La Cour Européenne a été saisie d’une requête contre la Lettonie. Un ressortissant letton faisant l’objet de poursuites pour un meurtre, avait successivement récusé deux avocats désignés d’office pour l’assister. La juridiction a refusé de désigner un nouvel avocat. Il a été condamné. La procédure s’est poursuivie en interne puis a été portée devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le fondement des articles 6 §1er et 6 §3 de la Convention. Le requérant estimait avoir été privé de son droit d’assistance juridique sans avoir eu l’intention d’y renoncer, cette privation violant son droit à un procès équitable. La Cour a, à cette occasion, rappelé que le droit à l’assistance d’un avocat (bien qu’il ne soit pas absolu) est un des aspects fondamentaux du procès équitable. Le bénéfice d’une assistance juridique gratuite est soumis à la double condition que la personne poursuivie ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’intérêt de la justice implique une telle assistance. Toutefois, la Cour a noté que le requérant avait été assisté de deux avocats désignés au titre de l’aide juridictionnelle et les a, à chaque fois, récusé en contestant la qualité de leurs prestations. La Cour répond sur cette question de qualité de prestation. Elle souligne qu’il appartient à chaque Etat contractant de choisir les moyens d’assurer que les garanties de l’article 6§3 de la Convention soient mises en œuvre dans leur système juridictionnel.
Elle renvoie aux Etats la possibilité de déterminer des indicateurs de qualité quant à la prestation des avocats.
Le rôle de la Cour se borne, dit-elle, « à examiner que la méthode choisie est conforme au principe du procès équitable ». En l’espèce, les avocats n’avaient eu aucune attitude passive ou négligente. Par ailleurs, la Cour a également examiné la réalité de la révocation. En cette espèce, la double récusation permettait au prévenu de penser et de prévoir que sa demande de remplacement lui serait refusée. La Cour conclut donc à l’absence de violation des articles 6 §1er et 6 §3 (arrêt du 6 octobre 2016, JEMEL JANOVS c/ LETTONIE, requête n° 37364/05).
La Cour considère que l’intérêt de la justice doit s’appliquer de manière globale, en tenant compte de tous les éléments du dossier. Elle estime que la révocation peut être implicite à condition de prouver que la personne intéressée avait raisonnablement pu prévoir les conséquences de sa conduite à cet égard.
La question des « indicateurs de qualité » est primordiale. La Commission Européenne s’y intéresse aussi pour les avocats. Qui les définira ? Quelles conséquences ? Quelles sanctions ? Ce seront des questions que les Ordres devront résoudre en urgence.
Michel BENICHOU