La loi « Alimentation et Agriculture » donne l’exacte mesure du poids des lobbyistes en France. Il faut dire qu’il concernait des poids lourds du secteur : industrie alimentaire, les agriculteurs, la grande distribution et l’industrie chimique (avec la question des pesticides et du glyphosate).
Le Président de la République et le gouvernement avaient fait nombre de promesses. Ce ne fut que reniement. Il n’est plus question d’interdire le glyphosate dans les trois années comme cela avait été promis et annoncé. Le poids de l’industrie de pesticides et surtout la volonté des agriculteurs de continuer à utiliser ce poison a fait reculer le gouvernement. On nous empoisonne lentement mais cela ne semble pas résister à la doctrine du productivisme en agriculture.
De même, les députés n’ont pu résister à l’amendement « BIGARD » du nom de l’industrie dominant le marché de la viande bovine en France. Le steak haché ne fera plus partie du panel lors des négociations actuelles entre industriels et distributeurs. Seuls les fruits et légumes seront traités.
Certains députés ont défendu l’idée d’inscrire dans la loi l’interdiction de publicité pour des produits alimentaires trop gras, trop sucrés ou trop salés à destination des moins de 16 ans en considérant le développement de l’obésité en France et surtout la fragilité des enfants. Naturellement, le ministre de l’agriculture s’y est opposé. Il ne s’agit pas, dit-il, « d’inscrire des choses pas trop contraignantes dans la loi ». On se demande réellement à quoi sert la loi si rien ne doit être « contraignant » pour l’industrie et les amis.
En tous les cas, elle ne pourra pas être contraignante pour les lobbyistes dominants. L’amendement défendu par un député de l’Isère et d’autres députés de LREM, MODEM et LFI, visant à généraliser le nutri-score (étiquetage concernant les denrées alimentaires) a naturellement été rejeté à la demande de M. TRAVERT, ministre de l’agriculture. On dit qu’il était soutenu par les médias qui ne voient que la rentabilité de la publicité alimentaire. Cette mention nutritionnelle risquait, selon eux, de faire fuir les annonceurs ! On préfère continuer à inciter les enfants, les adultes à manger trop gras, trop sucré, trop salé et surtout faire en sort qu’ils restent ignorants de ce qu’ils consomment.
Le poids des lobbys l’a emporté. La santé publique n’a aucune chance face à eux.
Monsieur TRAVERT s’est énervé récemment en indiquant qu’il n’était pas dans la main des lobbys. On aurait aimé le croire…
Au titre des autres renoncements, on peut citer l’abandon de la promesse d’instaurer la vidéosurveillance dans les abattoirs et d’interdire, d’ici à 2022, de vendre les œufs de poules élevées en batterie, l’abandon de l’idée d’introduire des repas végétariens dans la restauration collective, le rejet des amendements cherchant à interdire les contenants en plastique dans les cantines au nom du principe de précaution face aux perturbateurs endocriniens.
Dans ce fatras de reniements et de renoncements, on trouve quelques députés qui osent respecter la parole donnée en votant, contre l’avis du gouvernement, pour le renforcement de l’étiquetage de certains aliments prévu pour 2023, la pose d’une mention du pays d’origine pour le vin en évidence sur l’étiquette à partir de 2019, l’inscription dans le Code rural et la Pêche maritime de la volonté de promouvoir les produits importés n’ayant pas contribué à la déforestation, l’obligation progressive d’ici à 2021 des doggy bags, … Bref des détails.
Il faut néanmoins signaler, pour les amateurs, le vote d’un amendement en faveur d’un meilleur étiquetage du miel qui a pour objectif de mettre fin à la mention « origine Union Européenne / non-Union Européenne » qui est floue. Il faudra indiquer le pays d’origine des miels.
Cela a naturellement été voté contre l’avis du gouvernement.
Michel BENICHOU