L’assemblée générale du Conseil National des Barreaux le 8 décembre 2016 a modifié l’article 6.3.1 du règlement intérieur national de la profession d’avocat.
Cet article est relatif aux missions de justice, d’arbitrage, d’expertise et de médiation. Le Conseil National des Barreaux ne touche pas aux missions de justice, d’arbitrage et d’expertise. En revanche, il va s’acharner sur l’activité de médiateur. Il va ajouter, après la mention de « médiateur » la phrase suivante « qualité dont il peut faire état dès lors qu’il est référencé auprès du Centre National de Médiation des Avocats (CNMA) ». Le CNMA a été créé par et pour le Conseil National des Barreaux. Alors même que la Fédération Française des Centres de Médiation est un organisme girondin, coordonnant les efforts de tous les centres de médiation y compris des centres pluridisciplinaires, le CNMA est un instrument jacobin.
La Fédération Française des Centres de Médiation a introduit un recours contre cet ajout qui conduisait à subordonner la possibilité de faire mention de l’activité de médiation à ce « référencement » auprès du CNMA.
En dépit de tous les efforts entrepris par la Fédération Française des Centres de Médiation pour arriver à un accord avec le Conseil National des Barreaux, cette affaire a été jugée par le Conseil d'Etat. Le Conseil National des Barreaux a successivement refusé toute médiation, tout débat devant l’Assemblée Générale aux fins de revenir sur la mention. Finalement, le Conseil d'Etat a statué le 25 octobre 2018. Une nouvelle fois, cette décision affaiblit le Conseil National des Barreaux.
Le Conseil d'Etat a rappelé que le Conseil National des Barreaux est investi par la loi d’un pouvoir réglementaire qui s’exerce en vue d’unifier les règles et usages des barreaux et dans le cadre des lois et règlements qui régissent la profession. Ce pouvoir trouve sa limite dans les droits et libertés qui appartiennent aux avocats et dans les règles essentielles de l’exercice de la profession. Le Conseil National des Barreaux ne peut légalement fixer des prescriptions nouvelles qui mettront en cause la liberté d’exercice de la profession d’avocat ou les règles professionnelles qui la régissent et qui n’auraient aucun fondement dans les règles législatives ou dans celles fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévues par l’article 53 de la loi du 31 décembre 1971 ou qui ne seraient pas une conséquence nécessaire d’une règle figurant ou non dans les traditions de la profession.
En l’espèce, la création unilatérale et arbitraire du CNMA, les nouvelles obligations générées par cette création qui entravent la liberté des avocats … mettent en cause la liberté d’exercice de la profession. Le Conseil d'Etat considère que cela n’a pas de fondement légal ou réglementaire.
Le Conseil National des Barreaux n’était pas compétent pour édicter ces règles. Dès lors, l’article 6.3.1 modifié a été annulé et le Conseil National des Barreaux a été condamné à des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.761-1 du Code de Justice Administrative. C’est la seconde fois que le Conseil d'Etat censure le Conseil National des Barreaux. La première fois, il s’agissait de la question de la domiciliation de l’avocat dans une entreprise. Le Conseil d'Etat a rappelé que cela nuisait à l’indépendance des avocats. Cette fois, le Conseil d'Etat a rappelé le principe sacro-saint de la liberté d’exercice des avocats. Le Conseil National des Barreaux ne peut en aucun cas entraver cette liberté par des règles arbitraires inutiles. Il est là pour aider les avocats et non pour ajouter des contraintes ; il existe pour aider le développement des activités des avocats, y compris en matière de médiation, et non pour les entraver.
Cette annulation est une excellente décision.
Michel BENICHOU