RPVA ET LIBRE PRESTATION DES SERVICES DES AVOCATS DANS L’UNION EUROPEENNE

Publié le Modifié le 05/02/2019 Vu 659 fois 0
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Un litige était soumis au juge des référés près le Tribunal de Grande Instance de LYON par un avocat français qui est établi au Luxembourg.

Un litige était soumis au juge des référés près le Tribunal de Grande Instance de LYON par un avocat fran

RPVA ET LIBRE PRESTATION DES SERVICES DES AVOCATS DANS L’UNION EUROPEENNE

Un litige était soumis au juge des référés près le Tribunal de Grande Instance de LYON par un avocat français qui est établi au Luxembourg. Celui-ci se plaignait de ne pas disposer d’une clé RPVA. Il avait demandé le boitier à l’Ordre des Avocats de LYON qui l’a refusé en considérant qu’il n’était pas inscrit au Barreau de Lyon.

 

Dans le cadre de l’instance en référé qu’il a engagée, il a sollicité, par question préjudicielle, l’avis de la Cour de Justice de l’Union Européenne. Naturellement, le Conseil National des Barreaux était partie à cette instance. L’arrêt a été rendu le 18 mai 2017. La question était claire : « le refus de délivrance d’un boitier RPVA à un avocat dument inscrit dans le barreau d’un Etat membre dans lequel il souhaite exercer la profession d’avocat en qualité de libre prestataire de services, est-il contraire à l’article 4 de la Directive 77/249 au motif qu’il constitue une mesure discriminatoire susceptible d’entraver l’exercice de la profession en qualité de libre prestataire de services dans les cas où cet avocat de concert n’est pas imposé par la loi ? ».

 

La Cour, dans un premier temps, rappelle qu’il ne lui appartient pas de se prononcer dans le cadre de l’application de l’article 267 TFUE (procédure de coopération entre les juridictions nationales et la Cour) sur la compatibilité des normes de droit interne avec le droit de l’Union. Il est donc question simplement de savoir si le refus constitue une mesure discriminatoire. La Cour considère que le refus de délivrance du boitier aux avocats non-inscrits auprès d’un barreau français, est de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice de la libre prestation de services. En effet, ces avocats doivent avoir recours soit à la communication par dépôt au greffe ou par voie postale, soit à l’assistance d’un avocat inscrit auprès d’un barreau français qui dispose d’un boitier RPVA. Dès lors, le refus de délivrance constitue une restriction à la libre prestation de services. Mais la Cour considère que, « compte-tenu de la nature particulière des prestations de services de la part de personnes non établies dans l’Etat membre sur le territoire duquel la prestation doit être fournie, ne saurait être considéré comme contraire aux articles 56 et 57 TFUE l’exigence, en ce qui concerne les avocats, que l’intéressé appartienne à un barreau local afin d’accéder au service de dématérialisation des procédures pour autant que cette exigence est objectivement nécessaire afin de protéger l’intérêt général lié, notamment, au bon fonctionnement de la justice ».

 

Pour justifier la restriction, la C.N.B. et le Gouvernement français avaient invoqué le principe de bonne administration de la justice et de la protection du destinataire final des services juridiques. En effet, le fait que chaque avocat dispose d’un certificat électrique qui soit propre à l’avocat et qui permette d’attester sa qualité d’avocat inscrit à un barreau français autorisé à exercer la profession serait une garantie. La Cour relève que ces deux motifs (protection des consommateurs et bonne administration de la justice) sont des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation des services.

 

Il restait à voir le caractère proportionné de la mesure. Le Gouvernement français a défendu l’idée que, compte-tenu qui n’existe pas d’interopérabilité entre les annuaires des avocats pouvant exister dans les différents pays d’Etats membres, il s’en suivrait que lors d’une connexion au RPVA le système d’identification ne pourrait vérifier la validité du certificat électronique que pour les avocats inscrits à un Barreau français. La Cour de Justice de l’Union Européenne considère qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’apprécier s’il est, possible, de faire en sorte que les avocats établis dans un autre Etat membre dispose, le cas échéant moyen certains aménagements, d’un boitier RPVA dans les conditions où la protection du justiciable en tant que consommateur final des services juridiques et la bonne administration de la justice, soit assuré de manière équivalente à celles qui sont assurées lorsqu’il s’agit d’avocats inscrits à un barreau français. Si tel est le cas, la restriction n’est pas justifiée. Par ailleurs, la Cour relève que dans toutes les procédures où la représentation par avocat n’est pas obligatoire, tous les avocats peuvent communiquer leurs actes procédures par dépôt au greffe par voie postale. Or, s’il s’avérait que la vérification de la qualité d’avocat n’est pas exigée de façon systématique et constante en cas de communication par dépôt au greffe ou par voie postale, le refus de délivrance du boitier RPVA ne saurait être regardé comme cohérent par rapport aux motifs invoqués.

 

C’est donc à la juridiction de faire toute la lumière sur ces éléments. La réponse de la Cour de Justice de l’Union Européenne est que « Le refus de délivrance d’un boîtier de raccordement au réseau privé virtuel des avocats, émis par les autorités compétentes à l’encontre d’un avocat dûment inscrit à un barreau d’un autre Etat membre, au seul motif que cet avocat n’est pas inscrit à un barreau du premier Etat membre dans lequel il souhaite exercer sa profession en qualité de libre prestataire de services dans le cas où l’obligation d’agir de concert avec un autre avocat n’est pas imposée par la loi, constitue une restriction de libre prestation de services au sens de l’article 4 de la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats, lu à la lumière de l’article 56 et de l’article 57, troisième alinéa, TFUE. Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si un tel refus, au regard du contexte dans lequel il est apposé, répond véritablement aux objectifs de protection des consommateurs et de bonne administration de la justice susceptibles de le justifier et si les restrictions qui s’ensuivent n’apparaissent pas disproportionnées par rapport à ces objectifs ».

 

La juridiction lyonnaise aura donc à traiter de cette question. Il est possible, qu’entre temps, les aménagements techniques dont est susceptible d’être agrémenté le RPVA, règlent le problème. Cela serait souhaitable.

 

Michel BENICHOU

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A propos de l'auteur
Blog de Maître Michel BENICHOU

Avocat depuis 1978 :

 

- Ancien Président du conseil des Barreaux d'Europe

- Ancien Bâtonnier du Barreau de Grenoble

- Président fondateur de la Fédération Nationale des Centres de Médiation

- Ancien membre du conseil de l'Ordre des Avocats de Grenoble

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