On sait l’importance que le Ministère de la Justice donne à la dématérialisation du contentieux.
La profession d’avocat a largement adhéré à cette idée depuis 2005, date du 1er protocole signé entre le Ministère de la Justice et le Conseil National des Barreaux traitant de cette dématérialisation et du Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA).
Depuis, la transmission par RPVA est entrée dans les textes et notamment le Code de procédure civile.
C’est un aspect procédural qu’a eu à régler la Cour de Cassation (2ème chambre civile 16 novembre 2017, n° 16-24864).
Un jugement est rendu et une déclaration d’appel est interjetée. Les appelants notifient leurs conclusions au greffe dans le délai imposé par l’article 908 du Code procédure civile.
Toutefois, les appelants ont décidé de ne pas utiliser le RPVA mais de procéder à une remise directement au greffe. Le Code de procédure civil prévoit que cette remise au greffe n’est possible que si « une cause étrangère à celui qui l’accomplit ne permet pas à l’envoi par le RPVA, par la voie électronique » (article 930-1 du Code de procédure civile). Le dépôt au greffe n’est donc que supplétif mais il reste possible.
Or, les appelants ont été empêchés d’user du RPVA parce que leurs conclusions ne pouvaient pas être prises en compte en considérant leur taille. Elles étaient trop importantes et dépassaient les 4 mégaoctets, taille limite maximale qu’impose le réseau. Dès lors, ils ont fait un dépôt matériel.
Mais la Cour d'Appel a considéré que la dématérialisation s’imposait dans tous les cas ! Dès lors, il fallait, selon les magistrats, découper les conclusions et les faire parvenir par morceau ne dépassant les possibilités du « tuyau ». Elle a donc rendu un arrêt de caducité de la déclaration d’appel en estimant les conclusions irrecevables. Le délai de l’article 908 du Code de procédure civile était alors dépassé et a entrainé cette caducité.
Heureusement, la Cour de Cassation est intervenue pour rétablir un peu de bon sens.
Aucune disposition n’impose aux parties de limiter la taille de leur envoi à la juridiction ou de transmettre un acte de procédure en plusieurs envois scindés. Les contraintes techniques constituent bien une « cause étrangère ». Et cette cause étrangère n’est pas uniquement un incident technique mais aussi une incapacité technique du système.
La Cour de Cassation colle ainsi à la réalité du travail du professionnel du droit. Par ailleurs, elle supplée aux éventuelles carences du RPVA.
D’ailleurs, d’autres cas peuvent être imaginés. L’avocat inscrit dans un barreau de l’Etat de l’Union Européenne ne peut accéder directement (sans l’intermédiaire de son avocat de concert) au RPVA.
Or, dans les instances sans représentation obligatoire d’avocat, il n’est pas contraint de choisir un correspondant. Dès lors, rien ne lui interdirait, en vertu de l’article 730-1 de faire parvenir au greffe ses conclusions par lettre recommandée avec accusé de réception ou par dépôt. C’est une « cause étrangère ».
Michel BENICHOU